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- 54 - Sauver Mylen

  • bleuts
  • 23 sept. 2024
  • 34 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 mars

Adossé à l’un des murs de la tanière de Racine, Mylen bâilla, étirant les bras au-dessus de sa tête en fermant les yeux quelques secondes.


Le silence autour de lui était lourd, accentuant la fatigue qui commençait tout doucement à poindre en lui. Il lui était tout bonnement impensable de dormir en compagnie de Racine, cela aurait été trop dangereux d’être vulnérable tout en étant aussi proche d’une créature dangereuse, mais son corps n’appréciait que peu cette contrainte.


Si seulement il avait pu s’occuper l’esprit… Mais Racine ne semblait plus d’humeur à parler, et Coenan était inaccessible. Le lutinae avait enfermé l’ancien maitre des lieux derrière une barrière de ronces, après que Mylen ait tenté d’en apprendre plus sur lui. Racine n’avait aucune envie de partager son jouet. Mylen renifla.


« J’vais pas tarder à avoir envie de pisser. » songea-t-il en bâillant une seconde fois, ses yeux se posant ensuite sur la silhouette de Racine. « Je me demande comment il réagirait si je le faisais dans son nid. Ce pourrait-être drôle, mais peut-être un peu trop dangereux. »


Racine lui tournait le dos. Il était assis sur la table et agitait ses jambes dans le vide, fredonnant joyeusement, incapable de contenir son impatience à l’idée de retrouver le neved de son enfant. Il en était presque mignon.


« Et sinon… » fit Mylen d’une voix traînante. « Comment tu as fait repousser tes bras ? »


Racine s’arrêta de fredonner et se retourna, un sourire se dessinant lentement sur ses lèvres. Il était peut-être d'humeur à parler, finalement.


« Je les ai greffés. Ce n’est pas très difficile, j’ai juste eu à prendre ceux d’un gamin du village. J’en avais plein à disposition.

– Greffés ? » répéta Mylen en haussant un sourcil. « Et ça ne te dérange pas d’avoir des bras d’une race inférieure ? »


Racine laissa échapper un petit rire froid. Il glissa sur la table pour s’approcher de Mylen, avant de répondre :


« Purifier des corps pour en faire de la matière parfaite pour les lutins, c’est une chose que j’ai faite des centaines de fois. Je ne t’apprends rien. » ricana-t-il. « Le seul défaut, c’est que c’est un peu salissant. Tu sais, retirer la peau, vider les veines, ce genre de chose…

– Oui, le sang c’est parfois chiant à nettoyer. C’est pour ça que je porte des couleurs sombres au travail. »


Racine gloussa, amusé par sa réponse.


« Charmant.

– Et donc, pourquoi tu as de l’écorce sur les bras ? C’est pour faire joli ? »


Racine toucha machinalement les plaques qui recouvraient ses bras, tandis qu’il répondait :


« Ma peau est encore en train de pousser pour remplacer celle d’origine, elle est encore fragile. C’est juste pour la protéger, le temps que ça cicatrise.

– Je note dans la liste de tes potentiels points faibles.

– Tu as vraiment fait une liste ? »


Mylen haussa les épaules.


« Donc, si tu remplaces la peau d’origine par la tienne, ça aurait donc la même couleur que le reste de ton corps ? D’ailleurs, comment ça se fait que tu aies changé de couleur de peau ? Et comment as-tu pu reprendre des caractéristiques physiques de lutin aussi rapidement ?

– Tu es bien curieux.

– Je m’ennuie. »


Racine éclata de rire.


« Et dire que pendant ce temps, tes amis et ton amant sont sans doute terrifiés à l’idée que je sois en train de te torturer. C’est amusant, non ? Nous avons passé plus de temps à papoter qu’autre chose.

– Tu sais quoi ? Si tu me servais un thé, ce serait du plus bel effet pour leur retour. » répondit nonchalamment Mylen. « Ou un bon repas chaud. Un banquet, digne d’un invité d’honneur. Ils n'en reviendraient pas.

– C’est vrai. Allez, je suis d’humeur généreuse. Je peux te donner un villageois ou deux a grignoter.

– J'apprécie, mais sans façon. » grimaça Mylen.



« Finalement. » marmonna Mylen un peu plus tard « Je crois que je ne dirais pas non à grignoter un ou deux morceaux de sylène.

– Attention, je pourrais te prendre au m… »


Le lutinae ne termina pas sa phrase. Il tourna soudainement la tête, les yeux écarquillés, fixant la sortie de sa tanière avec surprise.


« Racine ? », fit Mylen, surpris.


Racine se leva lentement, ignorant les interrogations de Mylen, avant de simplement souffler :


« … Delyën ? … DELYËN !! »


Brusquement, il se leva et se précipita hors de l’arbre, laissant Mylen seul. Le blond fronça les sourcils, déconcerté. Que se passait-il ? Qu’est-ce qui pouvait bien être capable de troubler Racine au point d’en abandonner la surveillance de son otage ?


Se levant à son tour, il lui emboîta lentement le pas avec curiosité, soulagé de pouvoir enfin se dégourdir les jambes. Il vit alors Racine courir et traverser la place pour se précipiter dans les bras d’un jeune homme, l’enlaçant avec le sourire plus éclatant et authentique qu’il n’ait jamais vu.


« Delyën, Delyën ! Oh quel soulagement. » s’écria Racine, si heureux qu’il en oubliait de parler en Vieux-nordan. « J’ai eu si peur quand j’ai compris que le Creux n’était plus à toi ! Je craignais qu’ils t'aient tué toi aussi ! Mais non, tu as su revenir… Toi aussi, tu es devenu un lutinae ?

– Non, je… Je ne suis pas Feuille… »


Mylen pencha la tête, et vit alors le visage du jeune homme. L’incompréhension le gagna aussitôt. Que diable faisait Öta ici ?



Le corps dans ses bras était chaud, et Öta se surprit à l’enlacer avec douceur, lui rendant maladroitement son étreinte.


Avec tout ce que Cissus lui avait dit à son sujet, il s’était attendu à découvrir une créature bien plus terrifiante que cet enfant qui sanglotait de bonheur contre lui.


Bien qu’il ait déjà rencontré un lutinae auparavant et qu’il ait une idée précise de leur apparence, Racine était si loin de l’image qu’il se faisait d’un ogre qu’il en fut déstabilisé.


Öta leva les yeux et croisa le regard de Mylen au loin. Il lui fit un signe discret de tête avant de s’adresser à Racine, se concentrant pleinement sur lui.


« Je… Je ne suis pas Feuille. » murmura Öta, embarrassé, en lui caressant doucement la tête. « Je suis désolé. »


Racine, au lieu de s’offusquer, enfonça son visage dans la tunique d’Öta et marmonna :


« Ce n’est pas drôle, Delyën. Tu sais bien que je peux reconnaître ton essence les yeux fermés.

– Non, je ne mens pas. Vraiment. » insista Öta en reposant le lutinae sur le sol, qui fit quelques pas en arrière de surprise. « Mon nom est Öta de Morthebois. Je suis le descendant de Feuille.

– Le… attends, le descendant de Delyën ? Quoi ? »


Racine écarquilla les yeux, semblant enfin comprendre la situation. Il dévisagea Öta avec une curiosité nouvelle, sa bouche s’ouvrant lentement de stupeur.


Il tendit la main et toucha le bras d’Öta, comme pour s’assurer qu’il était bien réel. Il releva ses manches et admira les feuilles qui poussaient sur lui avec mélancolie.


« Non… j’y crois pas. Pourtant, tu as ses feuilles, son odeur. Tu sens comme notre forêt natale. Tu…comment ?

– Feuille est mon lointain ancêtre. Toute ma famille descend de lui, mais je ne l’ai appris que récemment. Je ne connais pas vraiment l’histoire et je ne sais même pas comment c’est possible. » tenta Öta, soupesant chacun de ses mots avec attention. « Nemus m’a pris sous son aile, et m’apprend à me connecter à cet héritage. Disons que son aide a fait ressortir les choses que j’ai héritées de Feuille, d’où ta confusion. Je te présente mes plus sincères excuses pour ça.

– Nemus te… oh. C’est surprenant. »


Racine croisa les bras, plongé dans ses pensées. Il ne s’était pas attendu à une telle nouvelle. La suspicion se grava soudain sur son visage, tandis qu’une idée horrible lui venait à l’esprit.


« Non ! Ne me dis pas que Nemus a remplacé Feuille ? Tu, vous… ? Il est tombé aussi bas que ça ? Et c’est lui qui t’envoie ? Que viens-tu faire ici, au juste ? Que me veux-tu ?

– Non ! Je ne suis pas l’amant de Nemus. » se défendit aussitôt Öta en rougissant de gêne. « Je suis son messager. Nemus ne pourra pas accéder à ta requête. Je suis venu pour te l’annoncer.

– Ma requête ? Quoi ? » fit racine en plissant les yeux. « Tu veux dire que…

– Nemus ne pourra pas te fournir le neved que tu souhaites et il te présente ses excuses. » murmura Öta avec compassion.


Le visage de Racine se figea. Le regard vide, il répéta, la voix sombre :


« Comment ça, il ne peut pas ? Qu’est-ce que…

– Il s’est passé une éternité depuis ta mort. Beaucoup de choses, et pas les meilleurs. Ton.... notre peuple a été décimé. Il y a eu une guerre, et les neveds qui étaient dispersés un peu partout, dans les mains des ogres qui t’ont succédé pour faire des lutinaes, ont disparu. Ça fait des siècles que Nemus les cherche. Aulne en fait partie. Nemus n'a jamais cessé de le chercher pour toi. »


Racine recula d’un pas. Il ouvrit la bouche, puis la referma, encore et encore, sous le choc de ce qu’il venait d’apprendre.


« Je… que…

– Je suis désolé.

– Je… je l’avais dans mes mains quand je suis mort. Il était avec moi. Il était si proche. Et maintenant ? Où est… » murmura-t-il, avant d’ajouter plus fort, sa voix tremblant de fureur : « OÙ EST MON ENFANT ? »



La voix de Racine résonna. Il tremblait de rage, et la terre elle-même, en écho à ses tourments, se mit à trembler à son tour.


« Racine. » tenta Öta, sa voix ne cachant pas la crainte qui l’habitait. « Tu…

– Nucis ! C’est lui qui m’a tué. » cracha Racine, sa voix grondant comme le tonnerre. « Il doit savoir où se trouve Aulne. Il a dû le cacher, juste pour le plaisir de me voir souffrir. Cette vipère va me le payer. »


Racine serra les poings, les yeux fixés sur le sol. La nature réagissait à ses émotions, sa colère détruisant tout autour d’eux. Des racines étaient sorties du sol, déchirant la terre sous leurs pieds. De fines fissures étaient apparues sur les habitations du village, tandis que les décorations qui pendaient en hauteur tombaient les unes après les autres..


« Oh, tu vas voir, je vais lui arracher son neved de son corps, et le réduire en miettes. J’aurais dû le faire quand j’en avais l’occasion, plutôt que de l’échanger contre… » sa voix s’éteignit, tandis que ses sourcils se fronçaient. « Où est-il ? Où est Mylen ? »


Il leva les yeux et balayait du regard la place autour d’eux, cherchant la présence du blond dans les environs. Mais il ne sentit rien. S’était-il échappé ?


« Merde. Évidemment, il en aura profité pour filer en douce. » siffla Racine en se retournant vers Öta, se dirigeant vers lui d’un pas rapide. « C’est pour ça que tu es venu ? Pour faire diversion ? Laisse-moi deviner, Adrepo est caché quelque part et nous regarde, camouflé par sa foutue magie noire ?

– Racine, tu…

– Et tu es avec eux, pas vrai ?

– Non ! Je ne sais pas. » bredouilla Öta. « Je suis avec toi. Je veux juste t’aider. Écoute-moi, je t’en prie ! Les Neveds perdus ne sont pas dans le Creux, sinon Nemus sentirait leur présence. »


Racine s’arrêta aussitôt.


« Que veux-tu dire par là ?

– Où que soit Aulne, ce n’est pas ici que tu le trouveras. As-tu vraiment envie de perdre du temps ici, de risquer ta vie sur ce territoire qui ne t’apportera plus rien, alors que — »


Öta n’eut pas le temps de finir sa phrase. Il vit un mouvement au loin derrière Racine, et aperçut Adrepo, posté dans l’ombre d’une hutte effondrée, tendre son arc.


Aussitôt, il s’écria :


« Adrepo, non ! »


Le lutinae, surpris par le cri, se retourna juste à temps. La flèche qui aurait dû transpercer sa poitrine se figea dans son bras. Adrepo avait visé à l’endroit exact où, à l’intérieur de sa chair, se trouvait son neved. Son essence. Si Öta n’avait pas crié, il serait mort.


└ Merde ! ┐ cria Racine en se tenant le bras, à genoux sur le sol. └ Putain de mage de merde. Tu as mis quoi dans cette flèche ? Ça fait un mal de chien. ┐


Adrepo s’approcha, d’un air satisfait.


└ Un poison très efficace sur les esprits de Matière. Il n’est cependant pas assez fort pour te tuer, il va juste t’affaiblir suffisamment pour t'empêcher de… ┐


Il ne put finir sa phrase, car Öta s'interposa. Il se mit devant Racine pour le protéger, faisant face à Adrepo avec colère :


└ Ne fais pas un pas de plus. ┐



Il y avait un silence lourd sur la place du village, tandis qu’Adrepo dévisageait Öta avec surprise. Il ne s’était pas attendu à ce qu’il prenne la défense de Racine ainsi.


Adrepo fit un pas de côté pour le contourner, mais Öta l’imita, lui bloquant le passage. La main posée sur le pommeau de son épée, il était prêt à se battre. La détermination qui brillait dans ses yeux intrigua Adrepo.


└ Écarte-toi, c’est un ordre. ┐ gronda ce dernier. └ Tu te rends bien compte que je peux te balayer d’un simple geste ? ┐


Öta ne bougea pas d’un pouce.


└ S’il te plaît. Ne le tue pas. ┐ répondit-il.


Adrepo haussa un sourcil, son regard alternant entre Racine et Öta. Il n’avait pas saisi la teneur de leur discussion, car elle avait eu lieu dans la langue de la surface. Mais il en avait entendu assez pour comprendre l’enjeu.


Racine avait proféré des menaces, et venant d’un ogre aussi puissant, ce n’était pas à prendre à la légère. Et pourtant, Öta lui tournait le dos sans une once de crainte. Soit il avait extrêmement confiance en Racine, soit il était extrêmement stupide.


Racine avait beau être affaibli par la flèche et le poison, il n’en restait pas moins un être sournois et cruel.


└ Pourquoi le protèges-tu, Gardesprit ? ┐ siffla Adrepo. └ Ce ne peut pas être pour Herbae, Mère nous a révélé que tu ne pouvais pas communiquer avec elle.

– Et pourquoi pas ? ┐ répliqua Öta. └ Cissus m’a révélé que ma Dame s’était alliée aux ogres autrefois. Pourquoi ne puis-je pas suivre ses pas ? ┐


Adrepo pencha la tête, continuant de dévisager Öta silencieusement. Il semblait plongé dans une profonde réflexion, qu’Öta arrêta en ajoutant :


└ J’ai fait ma part du travail. Grâce à moi, Mylen a pu s’échapper, alors laisse Racine partir.

– Tu te rends bien compte qu’il va tuer des gens ? Des hommes, comme toi auparavant ? Tu veux vraiment avoir leur sang sur les mains ? Qui sait combien de vies vont être perdues quand il sera libre. Regarde ce qu’il a fait à ce village ! ┐


Öta frissonna, son regard hésitant légèrement, avant de froncer les sourcils et de répliquer :


└ C’est amusant, car Mylen et toi, vous avez également du sang sur les mains. Ose me dire que tu n’as jamais détruit une vie.

– Ce n’est pas pareil.

– Ah bon ? Pourtant, je n’ai aucun doute sur le fait que tu tues ceux qui osent s’en prendre à tes terres, ceux qui osent s’opposer à ton peuple. En quoi est-ce différent ? ┐ rétorqua Öta. └ Le Nord fut créé pour les Ogres. Ces terres sont les leurs, elles n’ont jamais appartenu aux hommes ! Qui sommes-nous pour oser leur interdire de vouloir reprendre ce qui leur revient de droit ? Pour oser leur interdire de suivre leurs instincts, ceux que la nature elle-même leurs a donnés ? Ce n’est pas moi qui les condamnerais pour ça. ┐


Soudain, un mouvement attira leur attention. Après s’être arraché la flèche du bras, Racine tentait de se redresser. Ses jambes tremblaient à cause du poison qui circulait dans ses veines. Il peinait à se tenir droit et vacilla, prêt à tomber. Öta, sans hésiter, se précipita à ses côtés et tendit la main pour le rattraper.


└ Racine. ┐ murmura Öta. └ Ce que je voulais te dire avant qu’il ne m’interrompe c’est… Oublie ta vengeance, et quitte le Creux. Pars à la surface, retrouve Rameau, et reformez ensemble le foyer que vous avez perdu. Nemus n’a pas cessé de me répéter que c’était ce rêve qui te poussait à avancer, l’idée de pouvoir vivre paisiblement avec les tiens. Alors, fais-le ! Si tu persistes à chercher vengeance ici, tu vas juste mourir de nouveau.

– Delyën… tu sais, tu lui ressembles vraiment…

– C’est ce que Nemus m’a dit. ┐ rit nerveusement Öta. └ Racine. La perte de ton enfant est terrible, et je te présente mes excuses au nom des hommes. Mais parfois, à trop s’accrocher au passé, on oublie de façonner le futur. ┐


Racine ferma les yeux. Des larmes coulaient le long de ses joues tandis qu’il se recroquevillait dans les bras d’Öta, s’accrochant désespérément à sa tunique.


└ Delyën, Delyën… Pourquoi tout le monde est mort ? J’ai l’impression de vivre un cauchemar depuis que je me suis réveillé dans ce corps. Mon peuple à disparu, tu as disparu, et tout le monde est mort. ┐ sanglota-t-il, d’une voix presque enfantine. └ Je ne reconnais plus ma maison.

– Chut, je suis là. Ça va aller. ┐


Öta le serra contre lui, lui caressant doucement la tête. Du coin de l’œil, il vit Adrepo bouger et demanda :


└ Tu.. ?

– D’accord. À condition qu’il quitte le Creux à jamais, et qu’il me remette Coenan. De toute façon, c’est ce que nous avions prévu à l’origine. ┐


Racine repoussa faiblement Öta et leva ses yeux brouillés vers Adrepo.


└ Coenan est dans ma tanière, sous l’arbre où il était enfermé. Fait-ce en ce que tu veux, je n’en ai cure.

– Bien. ┐


Adrepo s’éloigna et Racine essuya ses larmes. Il avait l’air contrarié de s’être ainsi laissé aller dans les bras d’un inconnu. Mais son odeur et sa voix, si semblables à celle de Feuille, lui donnaient envie de s’y perdre.


└ Je…

– Il y a des territoires à Morthebois qui ne sont plus habités, ni par les esprits ni par les hommes. Des ruines qui appartenaient aux ogres autrefois et que nos légendes font que personne n’ose s’y aventurer. ┐ fit Öta. └ Quand tu auras retrouvé Rameau, je suis sûr que vous pouvez trouver une forêt ou vous réfugier et vivre loin de tout, comme avant. Paisiblement. Sans hommes aux alentours, vous ne devriez pas trop souffrir de la faim, pas vrai ? La nature y est forte et sauvage, elle saura vous sustenter.

– Je me souviens de Morthëboi… pourquoi pas. C’était l’un de nos foyers, autrefois. J’y ai longtemps vécu, auprès de Feuille. Herbae était notre amie.

– Encore aujourd'hui, une partie de mon peuple admire et respecte toujours les ogres, nous sommes parmi les seuls à ne pas vous avoir oublié. Vous serez toujours les bienvenus sur ces terres, nous rêvons depuis longtemps que les esprits reviennent en Morthebois. Et si tu ne t’attaques pas à mes villages, je m’assurerais qu’ils te laisseront en paix quand je reviendrai.

– Tes villages ?

– Je suis le fils du seigneur de Morthebois, et le seigneur de Mortherbe. Ces terres sont miennes, et je rêve d’en faire un hameau pour les esprits. Ne penses tu pas que ce serait une merveilleuse idée ? ┐



Öta retira de son cou un pendentif, qui était jusqu’alors caché sous sa tunique, et le tendit à Racine. Depuis plusieurs minutes, ils murmuraient des choses ensemble, comme deux enfants se partageant des secrets.


Se désintéressant d’eux, Adrepo balaya du regard les ruines du village. Tant d’années passées à se battre contre eux, et pourtant, il ne trouvait aucune satisfaction dans cette fin.


Ces terres étaient désormais leurs, mais elles n’offraient plus rien. La mort des villageois avait laissé derrière elle un silence pesant. Les rares survivants, qui étaient recroquevillés dans ce qui restait de leur foyer, n’avaient aucune chance de s’en sortir si Yphen ne les accueillait pas rapidement.


Tout était détruit, mort, rongé par l’ogre qu’ils avaient réveillé.


Adrepo se frotta la nuque en soupirant, fermant les yeux quelques secondes pour remettre de l’ordre dans ses pensées. Il entendit des pas s’approcher de lui, et lorsqu’il rouvrit les yeux, Mylen l’avait rejoint.


Lorsqu’un peu plus tôt, ce dernier s’était faufilé entre les décombres aux dépens de Racine, profitant de son inattention, il était tombé sur le grand guerrier qui surveillait la scène. Adrepo, tapi dans l’ombre, y attendait le bon moment pour attaquer.


Mylen s’était alors baissé à côté de lui, posant la tête sur son épaule, curieux, tandis qu’Adrepo le baignait de sa magie pour le camoufler. Il était ensuite resté là, admirant tranquillement toute la scène. Bien qu’il ne comprenne pas un traître mot de vieux-nordan, il avait trouvé tout cela très intéressant et instructif. Il n’était pas difficile de faire ses propres conclusions.


« Coenan est dans l’arbre. » fit Mylen en se posant à côté d’Adrepo, peu enclin aux retrouvailles émouvantes. « Viens, je vais te montrer. Tu voudras le tuer ou l’embarquer avec nous ? Moi à ta place, je le garderai. Je le vois bien à l’entrée de ma future maison. Il est suffisamment laid pour faire peur aux visiteurs. »


Adrepo lui emboîta le pas avec un sourire. Les bavardages incompréhensibles du blond lui avaient manqué.


Il lança un dernier regard derrière lui en entendant Öta et Racine continuer de chuchoter entre eux. Racine avait également retiré le collier qui pendait à son cou, et le tendait à Öta.


└ Ce pendentif représente l’ancien symbole du Creux. Il t’aidera à reconnaître ceux qui partagent nos idées. ┐ murmura Racine. └ Ceux qui nous ont aidé autrefois et qui sont restés profondément fidèles aux ogres.

– Merci, Racine. Tu voudrais que je transmette un message de ta part à Ciss… Nemus ? Je vais lui dire que tu vas bien. ┐


Adrepo cessa de les épier, et s’engouffra dans la tanière.


└ Ce n’est pas la peine. ┐ répondit Racine. └ Il doit le savoir. Tous les esprits de Matière sont liés entre eux, et je suis suffisamment proche pour qu’il sente ma présence.

– Pourtant, il avait l’air surpris de te savoir revenu.

– Vraiment ? Hum, soit il perd en puissance, soit il est toujours aussi bon menteur. ┐ répondit Racine, d’un air amusé. └ Dès que j’aurais réussi à m’habituer aux nouvelles sensations, je pourrais mieux sentir la présence des nôtres. Je vais en avoir besoin pour retrouver Ramus et mon petit.

– C’est vrai que ce serait pratique.

– Oui. Mais pour l’instant, je ne parviens qu’à sentir les lutinaes. Soit il n’y a plus qu’eux aux alentours, soit mon nouveau corps a changé des choses dans ma perception. J’ai l’impression d’être bien plus connecté aux lutinaes qu’avant. ┐


Öta hocha la tête. Il se leva et s’étira, tandis que Racine murmurait pour lui-même, l'ombre d'un sourire cruel de peignant au bout de ses lèvres :


└ Je me demande si… Hum. Il faudra que j’essaie ça.

– De quoi ?

– Non, rien. ┐



Adrepo s’avança dans la tanière de Racine, s’engouffrant dans ce qui était autrefois la demeure de Coenan. Il toucha l’écorce des murs du bout des doigts en descendant, suivi de près par Mylen.


Ce dernier observait avec attention Adrepo. Il voyait dans son regard, sa façon de se tenir, et ses légers frissonnements qu’Adrepo avait attendu ce moment avec impatience, mais n’était pas certain d’être prêt à faire face à ce qui allait suivre.


Depuis qu'ils étaient revenus, rien ne se déroulait tel qu’il l’avait prévu, et la frustration se lisait dans ses traits.


Mylen frissonna. Il s’attendait à trouver Coenan là où Racine l’avait laissé, dans un coin de la tanière, recroquevillé sur lui-même et tremblant. Mais avant même d’être arrivée en bas, une étrange sensation de vide s’empara de lui. Coenan n’était plus là.


Adrepo s’arrêta et regarda autour de lui, d’un air perdu, tandis que Mylen le dépassait, sachant directement où regarder. Les ronces que Racine avait fait pousser pour enfermer Coenan étaient toujours en place, comme s’il s’était juste évaporé.


Il regarda au travers et comprit que son intuition était la bonne.


« Merde, merde, merde. Il est passé où ce con ? » souffla Mylen.


Les sourcils froncés, Adrepo le rejoignit et arracha les ronces, les attrapant à pleine main comme s’il s’agissait d’une simple poignée d’herbe.


Là où était auparavant assis Coenan, le bois était maintenant gravé de motifs circulaires semblables à ceux que l’on retrouvait partout sur les rochers dans les souterrains.


Mylen posa la main sur l'épaule d'Adrepo, qui s'etait accroupi, et pencha la tête au-dessus de lui pour mieux voir, intrigué. Cela ressemblait à une sorte de trace laissée par de la magie.


Adrepo tendit la main et ramassa quelque chose dans l’ombre. Lorsqu’il la rapprocha d’eux, son regard devint sombre. L'air devint glacial tandis qu'il sifflait :


« Matre. »


Entre ses doigts, il tenait une feuille de lierre.



« Hum, Matre, du lierre comme pièce à conviction… quelque chose me dit que ta mère t’a devancé. » fit remarquer Mylen en se redressant, les sourcils froncés. « Merde. Je ne suis pas sûr d’apprécier la libération de cette chose. »


Adrepo serra la feuille de lierre entre ses doigts, ses mains tremblant légèrement. Il resta un instant immobile, les yeux rivés sur elle comme s’il s’attendait à une réaction de sa part.


Puis, d’un coup, sans crier gare, il laissa s’échapper un cri de rage qui fit trembler l’arbre. Il serra la feuille dans sa main, la réduisant en miettes, avant de se redresser et de balayer tout sur son passage.


Il balança violemment la table de Racine contre le mur, provoquant un bruit sourd qui résonna dans toute la tanière. Sa colère résonna à travers les parois, faisant vibrer l’écorce qui se fissura par endroit.


Il hurlait des mots en vieux-nordan, qu’il n’était pas difficile à interpréter. Le répertoire d’insultes et de jurons d’Adrepo semblait bien fourni.


« Oh, si c’est ça, laisse-moi t’aider. » sourit Mylen.


Peu effrayé par cet accès de rage, il s’immisça dans le chaos. Sous le regard surpris d’Adrepo, il renversa tout ce que ce dernier n’avait pas déjà détruit, puis écrasa avec ferveur tout ce qui restait.


« Hahahaha, ça fait du bien ! »


Puis, soudain, un bruit de pas résonna depuis l’entrée de la tanière.


Adrepo s’arrêta net et se tourna vers le passage, tandis que Mylen continuait de piétiner avec passion les affaires de Racine.


Öta apparut, son expression inquiète contrastant avec la scène de destruction qui s’offrait à lui. Il balaya des yeux la pièce dévastée, puis fixa Mylen en fronçant les sourcils.


« Mais vous êtes fous ? » haleta Öta, le fusillant du regard. « Qu’est-ce qui vous prend ?!

– Comme tu le vois, on extériorise notre frustration. » rétorqua Mylen sans le regarder, en ramassant un morceau de bois pour l’examiner, avant de le jeter au-dessus de son épaule avec dédain.


« … quoi ?

– Coenan s’est fait la malle. Pouf. Disparu. Donc, difficile de le tuer dans ces conditions. »


Öta écarquilla les yeux et tourna aussitôt la tête vers Adrepo. Il ne connaissait pas vraiment les détails au sujet de Coenan, étant toujours resté loin de tout cela, mais devant le regard orageux du meneur, il comprit que ça n’augurait rien de bon.


└ Mylen me dit que Coenan a disparu ? Que se passe-t-il ?! Racine a pourtant dit qu’il se trouvait ici.

– Il y a des traces de magie. Mère nous a tous dupés. ┐ siffla Adrepo, serrant les poings avec rage. └ Elle a pris Coenan avec elle. J’aurais dû m’y attendre.

– Quand ? Et comment a-t-elle fait ça ? Nous l’aurions sentie ou vue. Et Racine ressent les entrées et sorties dans son territoire.

– Elle maîtrise la magie mieux que quiconque. Même Racine n’aurait pu la sentir. Couplé au fait qu’elle se faufile dans le bois comme un poisson dans l’eau… ┐ Adrepo donna un coup de poing dans le mur, fendant l’écorce. └ Peste ! Cissus à du lui cafter que Racine à prit le village. Je suis certain qu’il l’a prévenue pour qu’elle puisse me prendre de court et elle a attendu le moment où il serait seul. Tcht ! ┐


Öta recula d’un pas. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qu’il se passait, et n’était pas certain de vouloir se mêler de tout ça.


Mais il n’eut pas le temps de s’en inquiéter, car soudain une étrange odeur de brûlé se fit sentir.


Mylen avait fait avec un tas avec les débris de bois, et venait tout naturellement d’y mettre le feu. Les flammes commencèrent à lécher le plafond quand le blond hocha la tête, semblant satisfait de l’incendie qui se propageait.


« Oups ? Je crois que je me suis un peu laissé emporter. » fit-il d’une voix traînante à leur intention, avant de se diriger d’un pas tranquille vers la sortie de la tanière. « Ha ! ça faisait tellement de temps que j’attendais de ça. Je ne laisse jamais un travail inachevé, vous savez ? Je suis juste déçu que l’autre tanche soit plus là pour cramer avec. »



Debout sur la place du village, la peau réchauffée par les flammes, Öta se demanda sincèrement ce qu’il faisait ici.


Il n’arrivait pas à choisir ce qui était le pire, que Mylen ait mis le feu dans la tanière de Racine, qu’il soit en train de fredonner en admirant les flammes, ou encore ces regards étranges, presque fiers, que lui lançait Adrepo.


Mais au fond de lui, ce qui l’agaçait le plus, c’était la disparition furtive de Racine, qui avait profité de la confusion pour leur fausser compagnie. Il aurait aimé lui parler plus longtemps. Il avait encore tant de choses à lui demander...


Öta soupira. À cet instant, plus rien n’avait de sens. Et cet arbre n'arrangeait rien. Il lui donnait des frissons.


Ce n’était pas seulement du bois qui brûlait. Il le sentait au plus profond de lui, c’était autre chose, quelque chose de plus ancien, de plus terrible. Il ressentait l’écho d’une souffrance ancienne dans ce feu, qui lui donnait l’impression d’entendre résonner en silence des centaines de voix.


└ Adrepo ?

– Hm ? ┐


Adrepo, jusqu’alors en pleine contemplation du brasier, tourna les yeux vers lui. Öta murmura :


└ Il faudrait peut-être faire quelque chose pour éteindre le feu avant qu’il ne se propage ? Je ne suis pas certain que… ┐


Adrepo hocha gravement la tête. Il tapota l’épaule d’Öta avant de s’éloigner.


Lentement, avec un bâton qu’il venait de ramasser, il commença à tracer un cercle dans la terre.


« Qu’est-ce qu’il fait ? » demanda Mylen en s’approcha d’Öta, qui frissonna et se décala aussitôt d’un pas. « De la magie ?

– Je crois. Je suppose que soit il va éteindre le feu, soit il va le contenir. »


Le cercle était désormais complet. Adrepo lâcha le bâton et posa la main sur le sol en fermant les yeux, l'air concentré. L’instant d’après, une lueur bleue sombre, envahi le sillon de terre, et se propagea jusqu’à disparaître, comme si elle n'avait jamais existé.


Adrepo s’épousseta et les rejoignit ensuite.


└ C'est fait. ┐ fit-il en croisant les bras, le regard lointain. └ Le feu ne s’étendra pas, mais il accomplira son œuvre. Cela permettra peut-être aux esprits de trouver enfin la paix.

– Aux esprits ? ┐ répéta Öta, la gorge serrée. └ Comment ça ?

– Cet arbre… c’est un charnier. Les nombreux esprits que je n’ai pas su protéger ont été dévorés ici au fil des ans. Leurs essences étaient emprisonnées dans cette parodie de bois sacré. C’est bien qu’il disparaisse enfin. ┐


Öta fixa le cercle tracé sur le sol.


Il comprenait maintenant pourquoi Adrepo semblait satisfait de la tournure des événements. La raison pour laquelle il approuvait cet incendie.


Tout prenait sens, mais il n’était pas certain d’aimer cela.


Öta hocha la tête. Il ferma les yeux et pria.



Après cela, Öta s’était attendu à ce qu’Adrepo veuille repartir immédiatement. Mylen était sauf, et Coenan n’était plus ici. Le meneur n’avait donc plus de raison de vouloir rester.


Cependant, il s’enfonça dans le village, le regard attentif. Il cherchait quelque chose, examinant les huttes avec un regard sombre. Öta et Mylen lui avaient emboîté le pas, comprenant progressivement le sujet de ses recherches : trouver les rares rescapés de ce désastre.


Le village était en ruine, miséreux, et en partie brûlé par un incendie récent. Rien n'indiquait la présence d'âmes vivantes dans les environs, et Öta n'avait vu personne en arrivant.


Il sentit la nausée l’envahir en entrant dans la première hutte, et se sentit de plus en plus mal au fil des recherches.


Les huttes étaient remplies de corps maigres, des corps d’hommes, de femmes et d’enfants… C’était comme si les familles qui s’y trouvaient avaient été vidées de toute leur vie jusqu’à n’être plus que des restes desséchés.


Öta, qui était jusqu’alors persuadé que le village avait été déserté, se rendit compte qu'il s'était lourdement trompé.


« Ah oui. Racine ne plaisantait pas quand il disait qu’il dévorait les gens d’ici. » fit Mylen en touchant un corps du bout des pieds, tandis qu’Adrepo passait à la hutte suivante. « Il n’en a pas laissé une miette.

– Les ogres sont réputés pour leur voracité. » répondit Öta avec gravité, en priant mentalement pour toutes les âmes trouvent la paix. « Tu ne connais pas l’expression un ''appétit d’ogre '' ?

– Oui, c’est pas faux. »


Öta fit la moue. Il n’appréciait toujours pas Mylen, sa simple présence près de lui le faisait frissonner de dégoût. Mais ce dernier, qui semblait bien s’en moquer, ajouta :


« J’ai pu discuter avec lui. Je comprends mieux ce qu’il voulait dire par '' je me nourris de leur vie ''. Tous les ogres sont comme ça ?

– Non, je suppose qu’il devait vraiment avoir très faim. Il faut dire que ce village ne semble pas des plus… »


Öta ne termina pas sa phrase, grimaçant à la place.


« Bref, de ce que m’a dit Cissus, ce genre de cas est très rare. Et vu tous ces morts, je pense qu’il est repu pour un bon moment. Sans doute prévoyait-il déjà de partir ?

– Ouais, il a dit qu’il avait besoin d’énergie. Alors, raconte, ils se nourrissent comment d’habitude ?

– Pour faire court, les esprits de matière se connectent à une terre, qui devient leur territoire. À partir de ce moment, toutes les âmes qui meurent et dont le sang retourne à la terre les nourrissent. En temps normal, quand les hommes ne sont pas présents à proximité pour altérer les cycles, la mort des animaux suffit amplement à les sustenter.

– Bof. C’est moins amusant que ce que j'imaginais. » fit Mylen en haussant les épaules.


Ils rejoignirent alors Adrepo, qui s’était arrêté devant une hutte plus grande que les autres, cachée par les arbres dans un coin reculé du village.


Des sons s’en échappaient. Des pleurs, des chuchotements, de la peur. Il y avait des gens à l’intérieur.


Adrepo s’avança et poussa la porte. Aussitôt, des hommes se jetèrent sur lui, leurs visages maigres portant tout le désespoir du village. Ils étaient sans aucun doute les derniers guerriers, tentant de protéger les rares survivants qui s'étaient tous regroupés ici.


Öta et Mylen n’eurent pas le temps de se joindre à la mêlée qu’Adrepo avait déjà maîtrisé les hommes. Essoufflés, peinant à tenir debout, ils ne pouvaient simplement rien faire face à sa force.


Adrepo les contourna et entra dans la hutte, s’exclamant d’une voix forte :


└ Mon nom est Adrepo, et je suis l’un des meneurs d’Yphen. Vous me connaissez sans doute pour mes nombreuses attaques sur votre village. Aujourd’hui, j'ai remporté la victoire. Coenan ne dirige plus ces terres et l’ogre qui vous tourmentait s’en est allé. ┐


Tous les survivants restèrent silencieux, les yeux baissés, attendant simplement la mort.


└ Le village de pierres est maintenant la propriété des Enfants de la Dame du Lierre. Jurez-nous fidélité, ou partez. ┐ fit-il avant d’ajouter d’une voix plus douce en se baissant, faisant face à une mère et son enfant. └ J’enverrais notre guérisseuse et plusieurs membres du village pour s’occuper de vous. Votre futur s’annonce dur, mais vous n’êtes plus seuls. ┐



└ Adrepo, attends ! ┐ s’exclama Öta en poursuivant Adrepo, après qu’ils aient quitté la hutte où s’étaient réfugiés les rescapés du village.


Il le rattrapa rapidement et d’une voix implorante, lui demanda :


└ Ne rentrons pas immédiatement. Laisse-moi quelques heures avec eux, afin que je puisse examiner les plus faibles. Je connais des remèdes qui pourront leur redonner un peu de force, ils vont en avoir besoin en attendant que tu puisses envoyer les tiens.

– Quoi ? ┐


Adrepo se pencha sur Öta, surpris par sa demande. Il le dévisagea de longues secondes avant de répondre :


└ Pourquoi un Gardesprit voudrait-il faire le travail d’un guérisseur ?

– Parce que c'est mon métier ? Je suis herboriste, et j'ai été formé par un guérisseur.

– Oh. C’est… surprenant. ┐ répondit lentement Adrepo. └ Un gardesprit, semblable à la Voix, possédant des terres à la surface et aimant soigner les hommes ? Tu es décidément très étrange. ┐


Öta ne put s’empêcher de sourire. Il n’allait pas le contredire. Depuis peu, il accumulait les bizarreries, et ce n’était pas pour lui déplaire.


└ Alors, c’est d’accord ?

– Soit. Nous resterons pour la nuit, et nous partirons demain matin.

– Merci. ┐


Öta fit volte-face et attrapa le bras de Mylen en chemin, se dirigeant vers le centre du village sans lui laisser le temps de comprendre ce qu’il se passait.


« Hé ?! Qu’est-ce que tu fous ?

– Nous restons jusque demain matin et j’ai bien l’intention de mettre ce temps à profit pour aider ces pauvres gens. Tu vas m’aider.

– Quoi ? Mais—

– Là. » le coupa sèchement Öta.. « J’ai repéré la tanière de leur guérisseur quand nous cherchions des survivants. »


Ils venaient d’entrer dans la hutte lorsque Mylen se dégagea brusquement de sa prise et le fixa d’un regard furieux.


« Hors de ques—

– Tais-toi et rends-toi utile. » le coupa de nouveau Öta en lui mettant un panier dans les mains. « Jette tout ce qui est fané dedans. Leur guérisseur à l’air d’être mort depuis un moment, mais on va pouvoir récupérer des choses intéressantes dans ses stocks. Et fais un peu le ménage. Et nettoie ses ustensiles.

– Quoi, mais —

– Quand tu auras fini, préviens-moi. Je serais avec les rescapés. »


Mylen fixa Öta partir, avec l’impression de s’être fait avoir en beauté.


« Que ce buisson aille se faire foutre. » songea-t-il, avant de balayer la pièce du regard. « Quoi que je peux toujours fouiller en même temps. Hum. Je suis sûr que je peux trouver quelques petites choses à embarquer... Je devrais bien pouvoir trouver un flacon ou deux de poison. »



Il n’avait pas fallu longtemps à Öta pour s’approprier les lieux.


En l’espace de quelques heures, il avait réussi à se faire apprécier des villageois, et naviguait avec aisance d’une personne à l’autre, leur apportant tout le réconfort qu’il pouvait.


Il paraissait totalement dans son élément. Ses gestes étaient vifs, précis, son corps se souvenant parfaitement de ses nombreuses heures de travail dans le refuge de Petrus.


Et il semblait que les feuilles sur ses bras, couplées au pendentif que lui avait confié Racine, provoquaient l’admiration des villageois. Ce qui n’était pas étonnant, venant d’un peuple qui vénérait les ogres.


« Tu t’en sors bien. » lança Mylen, adossé nonchalamment à un mur. « Vu comment ces gens te dévorent des yeux, dans dix minutes ils votent pour que tu deviennes leur nouveau chef et dans quinze minutes, leur nouveau dieu.

– Hilarant. » répondit Öta sans tourner la tête, aidant une personne âgée à boire une décoction avec beaucoup de douceur. « Mais je m’en sortirais mieux si tu avais nettoyé la hutte. »


Mylen haussa les épaules. Il n’était pas du genre à s’impliquer dans un travail aussi barbant. Il avait trié les plantes, mais son implication s’était arrêtée là. Ce qui était déjà bien plus que ce qu’Öta avait réellement espéré de sa part.


« Le seul nettoyage que je connais est celui par le feu. J’ai estimé que ce ne serait pas à ton goût, mais rien ne m’empêche de le faire maintenant.

– Je crois que ce village a eu sa dose d’incendies, merci. » répondit Öta d’un ton sec.


Mylen voyait bien ses regards furtifs, ses jugements silencieux et son dédain chaque fois qu’il lui adressait la parole. Bien qu’il accepte de discuter avec lui, Öta ne l’aimait pas, et n’était pas très doué pour s’en cacher. Mais Mylen n’y apportait que peu d’intérêt. Peu de personnes l’appréciaient, ce n’était pas quelque chose de nouveau.


Öta se releva et jeta un œil pensif autour de lui, pour vérifier qu’il n’avait oublié personne, avant de se tourner vers Mylen.


« Tu as vu cette fille là-bas ? » demanda-t-il à voix basse, en désignant une jeune sylène aux cheveux étrangement clairs.


Elle était occupée à distribuer des décoctions d’Öta aux plus jeunes du village, souriante et surtout, emplie d’une énergie rare. Elle semblait bien plus en forme que n’importe quelle autre personne ici.


« Elle s’appelle Sël, c'est la seule prêtresse survivante du village. Elle m’aide beaucoup, et elle doit avoir une santé de fer, car elle est bien plus énergique que tous les autres. Elle n'a pas l'air d'avoir été très impactée par Racine et c'est elle qui s'occupait d'eux avant notre arrivée. » continua Öta, un léger sourire aux lèvres. « Tu devrais en prendre de la graine. Toi aussi tu pourrais participer. »


Mylen ne répondit pas immédiatement. Il observa la jeune femme pendant un moment avant de murmurer :


« Hum. Je crois savoir pourquoi elle est en aussi bonne santé.

– Pourquoi ?

– Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à la grande sœur de Landry. Même si son nom est de très mauvais goût. »


Öta pencha la tête avec curiosité, fronçant les sourcils tandis qu’il cherchait un sens à ses mots.


« Landry, Landry… ça me dit quelque chose.

– C’est le nom du gamin qu’était Racine avant de retrouver ses souvenirs. » soupira Mylen. « Il avait un frère et une sœur. Cette gamine ressemble à Sylvane. »


Öta ouvrit la bouche, surprit. Il s'en souvenait maintenant, Tyra lui avait parlé de lui.


« Il l’a épargnée parce qu’elle lui rappelle sa sœur ?

– Il semblerait. Peut-être que cet enfoiré a un cœur après tout. » répondit Mylen d’une voix cinglante. « Ou alors, il voulait la croquer en dernier. Un met de choix pour terminer son banquet. La symbolique est importante, tu sais ?

– Je préfère la première théorie. » grimaça Öta. « Et donc, il avait un frère également ?

– Un frère jumeau. Amaury. C’est un gamin lourdaud, insipide, mais quand même attachant. Et avant que tu me poses la question, j’ai mené les deux gosses à la surface quand leur mère s’est fait tuer.

– Oh. »


Öta dévisagea Mylen un instant, cherchant à comprendre les émotions qui bouillonnaient dans son regard. Au bout de quelques secondes, il brisa le silence en demandant avec précaution :


« Ils te manquent, pas vrai ? »


Mylen esquissa un sourire amer.


« J’ai servi tant de fois de nounou à ces gosses que forcément, je me suis attaché. Si je retourne à la surface un jour, je pense que j’essaierai de les trouver, juste pour avoir de leurs nouvelles.

– Donc, comme Racine, tu as un cœur. » se moqua Öta.


Mylen plissa le nez.


« Beurk. »



Plusieurs heures s’étaient écoulées depuis qu’Öta avait commencé à s’occuper des survivants.


Mylen bâilla, épuisé. Il estimait que la nuit devait être tombée, car l’obscurité ambiante du village s’était approfondie, l’enveloppant les lieux d’un voile noir.


Il n’avait qu’une envie, se trouver un recoin tranquille pour rattraper tout le sommeil perdu. Il jeta le trognon d'une pomme qu’il venait de manger derrière lui et s’aventura dans les rues du village.


Quelques minutes auparavant, il avait fouiné dans les réserves pour y piocher un repas de fortune, mais avait été déçu des maigres restes qu’il avait pu y trouver. Il n’y avait rien de très appétissant, et la plupart des denrées avaient pourri.


« J’ai vraiment hâte de me barrer d’ici. » marmonna-t-il.


D’un pas léger, il arpenta les rues sombres à la recherche du fameux recoin discret où il pourrait piquer un somme. Mais avant même d’avoir trouvé son refuge, il aperçut au loin la silhouette d’Adrepo.


Le guerrier se tenait sur la place, devant l’arbre de Coenan qui n’avait pas encore terminé sa combustion. Il fixait les flammes avec attention, et un petit pli entre ses sourcils trahissait son inquiétude.


Mylen s’arrêta et, hésitant à le rejoindre, se contenta à quelques pas de lui. Mais Adrepo sembla l’entendre, car il se retourna et lui fit signe de le rejoindre.


« Je t’avais manqué ? » fit Mylen en se plaçant à côté de lui avec une nonchalance feinte, tout en posant son épaule et sa tête contre le bras d'Adrepo. « Au fait, merci de m’avoir sauvé, j’aurais peu apprécié de finir dans le ventre de Racine. Même si au final, on ne peut pas dire que tu aies été très efficace. J’ai peut-être mal choisi mon prétendant, qui sait ? »


Adrepo cligna lentement des yeux, avant qu’un sourire ne fleurisse doucement sur ses lèvres, un sourire qui fit soudainement s’évaporer la tension dans l’air. Il se pencha et lui fit un baiser sur le haut de la tête.


« Mihilen.

– Oui, c’est mon nom.

– Gathoran. Thu.avoir manqué je. »


Mylen roula dramatiquement des yeux à la mention du surnom, appréciant toujours peu d’être comparé à un bruit incessant, attirant ainsi un petit rire du guerrier.

Mylen sentit une chaleur étrange se glisser dans sa poitrine à ce rire et frissonna.


Un peu plus détendu, Adrepo tendit la main pour saisir celle de Mylen, mais ce dernier se dégagea aussitôt en répliquant, d’une voix un peu plus basse que d’habitude :


« Attends, j’ai un truc pour toi.

– Mihilen ?

– J’voulais te le donner avant, mais j’ai pas eu l’occasion. Disons qu’être séquestré par un ogre n’était pas dans mes plans à la base. »


Mylen fouilla sous sa tunique, pour en sortir le pochon de tissus contenant les bijoux fabriqués par Ayel. Il le lui tendit, un léger sourire en coin.


« Mais bon, voilà. J’ai fait très attention, j’avais vraiment peur de les perdre. »



Adrepo ouvrit le pochon lentement, ses doigts effleurant avec douceur les deux bijoux sculptés. Ses yeux se posèrent sur les lunes de bois, avant de descendre sur les plumes. Il ouvrit la bouche, surprit.


« Thu... Ce… » bredouilla-t-il. « Thu ?

– Ça te plaît ? Un pour toi, un pour moi. » répondit Mylen, ne pouvant pas cacher le léger tremblement dans la voix. « Si t’en veux pas, c’est pas grave. »


Il croisa les bras, ne voulant pas admettre pourquoi il se sentait aussi nerveux. Il refusait d’admettre qu’il appréhendait la réaction d’Adrepo.


« C’est pour remplacer les boucles d’oreille que j’ai détruites. J’ai demandé à un ami de les fabriquer. Au début, je voulais juste des plumes, mais cet idiot a ajouté des lunes. C’est de bon goût, mais ça cache toute la symbolique derrière. » babilla Mylen pour cacher sa gêne, ne se souciant que peu qu’Adrepo ne comprenne rien de son flot de paroles. « J’ai enquêté un peu sur toi, tu sais ? J’ai remarqué que tu avais un truc avec les plumes et plus spécifiquement celles de corneilles. D’ailleurs quand tu es là, il y a souvent des corneilles pas loin et je… »


Adrepo resta silencieux quelques instants, n’écoutant Mylen que d’une oreille. Il fixait les bijoux avec une attention presque touchante, comme s’il avait peur qu’ils disparaissent s’il cessait de les regarder.


Il leva finalement lentement les yeux vers Mylen, hésitant, comme s’il ne croyait pas à ce qu’il se passait. Était-ce bien ce qu'il pensait ?


Mais devant les joues rosies de Mylen, qui s’était arrêté de parler et attendait maintenant sa réaction, il comprit que c’était réel.


Un sourire immense naquit sur ses lèvres. Un sourire si pur et sincère que Mylen ne put s’empêcher de détourner les yeux, le cœur battant un peu trop vite à son goût.


« Bon, donne le moi, je vais t’aider à le mettre. » marmonna-t-il en lui faisant signe de se baisser avant d’ajouter. « Putain, c’est vrai que t’as des cornes. Je vais ouvrir le cordon, sinon ta tête passera pas. »


Il défit le nœud tandis qu’Adrepo se baissait pour être à sa hauteur.


Mylen passa ses doigts sur le col d’Adrepo pour repousser ses cheveux, effleurant la peau chaude de son cou avant d’y accrocher délicatement le bijou. Adrepo, toujours silencieux, semblait absorbé par chaque mouvement de Mylen, ses yeux fixés sur lui.


Les petites breloques de bois qui pendaient sur la lune sculptée s’entrechoquèrent avec un petit bruit, qui fit sursauter doucement les deux hommes.


Les doigts de Mylen tremblaient légèrement lorsqu’il ajusta le collier autour du cou du guerrier. Il recula ensuite lentement.


Adrepo se redressa, touchant le bijou du bout des doigts, un sourire heureux planant toujours sur ses lèvres.


« Et voilà. Tu me mets le mien ? » fit Mylen.


Adrepo comprit sans peine sa demande. Il se pencha sur lui, et ses mains, immenses comparées au cou de Mylen, se déplacèrent autour de celui-ci pour nouer le cordon du deuxième pendentif.


Leurs regards se croisèrent enfin, et Mylen se surprit à ne pas pouvoir détourner les yeux. Au contraire, il s’avança légèrement, presque imperceptiblement.


Ce simple geste suffit à Adrepo, qui n’attendait que ce signe pour déposer ses lèvres sur les siennes.


« Dis Adrepo. » murmura Mylen lorsqu’ils se séparèrent. « Je crois bien que j’suis amoureux de toi. »


Posée sur un arbre non loin d'eux, une corneille poussa un cri et s'envola.



Le nez plongé dans les cheveux de Mylen, Adrepo lui embrassa tendrement la tête tout en l’enlaçant. L’un contre l’autre, ils se réchauffaient à la lueur des dernières flammes qui consumaient l’arbre de Coenan.


Le poids du collier donnait des frissons à Adrepo, lui rappelant que tout cela était réel. Que Mylen avait vraiment fait un pas vers lui.


Soudain, il entendit un léger ronflement. Mylen s’était endormi dans ses bras, épuisé par les nuits sans sommeil qui s’étaient enchaînées.


Adrepo sourit avant de le soulever avec tendresse. Un grognement s’échappa des lèvres de Mylen, qui tentait vainement de résister au sommeil.


« Mmmh… J’peux marcher tout seul… »


Mais il ne tenta rien pour se dégager. Au contraire, son visage s’enfonça dans la tunique d’Adrepo. Le guerrier leva les yeux au ciel, avant de le porter jusqu’à l’une des huttes qui tenait encore debout.


Il le déposa délicatement sur une paille sèche, et après avoir pris une couverture, il drapa Mylen avec, qui l’attrapa aussitôt pour s’enrouler dedans avec un soupir d’aise.

Adrepo s’assit à côté de lui et lui caressa les cheveux tendrement, tandis que le blond s’assoupissait pour de bon.


Quelques minutes passèrent avant qu’une voix de brise le silence.


└ Ah, vous êtes là ! Je vous cherchais. Oh, il s’est endormi ? ┐


Öta se trouvait à l’embrasure de la porte, et tenait deux bols fumants dans ses mains. Ses yeux se posèrent sur le couple, remarquant aussitôt leur proximité.


└ Oui. Il n’a pas eu beaucoup d’heures de sommeil récemment. ┐ répondit Adrepo d’une voix calme.


Öta hocha la tête, un sourire fatigué se dessinant sur ses lèvres.


└ Je me doute. Dormir à côté d’un ogre n’aurait pas été une bonne idée… ┐ répondit-il. └ Bon, je voulais juste te prévenir que j’ai fini. J’ai donné quelques recettes aux villageois et montré les plantes dont ils auront besoin. Ils sauront se débrouiller. Et on a aussi fait de la soupe avec ce qu’on a pu trouver dans la réserve. Je vous en ai apporté. ┐


Adrepo sourit et accepta les bols, qu’il déposa sur la petite table près de lui.


└ Donc, hum, vous êtes ensemble, pas vrai ? C'est récent ? ┐ demanda Öta.


La proximité des deux hommes avait piqué sa curiosité. Il savait reconnaître un couple quand il en voyait un. Adrepo acquiesça simplement, un léger sourire en coin.


Öta sembla réfléchir un instant avant de murmurer :


└ D’accord. Je comprends mieux pourquoi tu étais si en colère quand Cissus a refusé de t’aider. C’est un secret ? Je dois le garder pour moi ? ┐


Adrepo secoua la tête.


└ Non. ┐


Öta soupira de soulagement. Il n’était pas doué pour garder ce genre de secrets, et il savait que, tôt ou tard, il aurait fini par vendre la mèche à Tyra.


Quoi qu’en y repensant, il se demanda si elle n’était pas déjà au courant. Sans cela, elle n’aurait jamais laissé Öta partir seul avec lui au secours de Mylen. Pas après ce qu’il avait fait à la guerrière de leur groupe. La violence dont il avait fait preuve allait rester longtemps gravée dans leurs esprits.


Tyra devait forcément savoir qu’Adrepo accordait de l’importance à la vie de Mylen. Elle ne lui aurait pas fait confiance autrement.


Öta fronça les sourcils. Toute cette situation était ridiculement compliquée.


└ Bon, si vous avez besoin de moi, je serais dans la hutte d’à côté. Je vais me trouver un coin pour dormir moi aussi. ┐ soupira-t-il.


Il avait beau n’apprécier aucun des deux hommes, son cœur ne pouvait pas résister devant deux personnes qui s’aimaient. C’était définitivement son point faible.


└ Oh, et Adrepo ?

– Oui ?

– Mylen ne parle pas le vieux-nordan, pas vrai ? Si à un moment vous avez besoin d’aide pour communiquer, vous pourrez me demander.┐ finit-il par lâcher d’un air attendri.



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