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- 38 - Yphen

  • bleuts
  • 16 oct. 2024
  • 23 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 déc. 2024

« Lève bien haut ton bras, d’accord ? » insista Öta une nouvelle fois, s’attirant un soupir agacé de la part de Tyra. « Il faut qu’ils voient le bracelet de loin.

– Oui, oui.

– Et tu es vraiment certaine que le sceau que tu viens de nous faire va nous protéger s’ils nous attaquent ?

– Oui. Tu l’as déjà vu à l’œuvre, c’est exactement pareil. Mais il ne durera pas longtemps, alors arrête de nous faire perdre du temps. »


Öta déglutit difficilement, les mains moites, se demandant comment ils allaient réussir à s’en échapper vivants. Tyra sortit des buissons la main en l’air tandis qu’il lui emboîtait le pas.


Mais à peine furent-ils engagés sur le chemin de pierres blanches qui menait droit au village qu’une flèche vint se planter directement à leurs pieds. Ils sursautèrent et s’arrêtèrent aussitôt.


« Tha.näja ! » cria une voix du haut des remparts.


Öta donna un coup de coude à Tyra en lui soufflant de mieux montrer le bracelet. Elle agita le bras.


« Nhu.goulmënn vuh turvä ! » s’exclama Öta. « The.anbeil un gardespred. Nhu.anbeil turvën dë lutinae Nucis. »


Aussitôt, les archers sur les murailles échangèrent des regards surpris et des murmures. L’homme qui avait crié, sans doute leur commandant, fit signe à ses hommes de garder leurs arcs bien brandis. Il posa une nouvelle question d’une voix forte et méfiante.


« Il dit quoi ? » chuchota Tyra en baissant le bras. « On est dans la merde ou pas ?

– Il demande d’où nous venons et qui nous sommes. » grimaça Öta. « Et il trouve mon accent bizarre. »


Tyra eut un rire nerveux pendant qu’Öta répondait à l’homme. L’hésitation du commandant se lisait dans ses traits. Son regard alternait entre le bracelet de Tyra et le visage d’Öta. A ce moment, une voix s’éleva alors en attirant l’attention vers elle.


Une femme s’avança, sortant du village depuis l’une des arches qui parsemaient la muraille. D’un pas tranquille et gracieux, elle sourit. Sa peau était noire comme le charbon et ses cheveux d’un blanc pur possédaient des racines étrangement vertes.


« Hedera ?

– Audhin. Nah. » siffla-t-elle en leur faisant signe de baisser leurs arcs.


Tous les archers l’écoutèrent, baissant la tête respectueusement.


Elle invita alors Tyra et Öta à s’approcher. Ils hésitèrent avant de s’exécuter. Elle leur sourit en hochant humblement la tête.


« Vous.ëtre bienvenus dans mon village. Mon nom.ëtre Hedera.

– Merci, ma dame. Je suis Öta et voici mon amie Tyra. » répondit Öta en inclinant la tête. « Nous sommes ici pour vous demander asile, sous les conseils du lutinae Noyer. »


Il avait répondu en Nordan, néanmoins étonné que cette étrange femme parle leur langue. Cette dernière se tourna alors vers Tyra. Elle lui prit la main et demanda :


« Tyra ? Tu.ëtre amie de Dynin, nah ? »



D’un simple geste de Hedera, tous les guerriers avaient baissé leurs arcs et l’entrée dans la cité leur avait été accordée. Tyra n’aurait jamais imaginé que des Sylènes acceptent aussi rapidement de les accueillir. Elle avait beau comprendre que ce village n’avait rien à voir avec celui qui faisait la guerre aux siens, c’était une étrange sensation de le réaliser.


Ces personnes-là n’avaient peut-être même jamais entendu parler des veilleurs. Comment la voyaient-ils ? Quelle image leur renvoyait-elle ? Elle ne pouvait s’empêcher d’être curieuse.


Et qui était Hedera ? Leur dirigeante ? Une chose était sûre, elle était puissante. Elle avait ouvert l’entrée de la cité, qui était fermée par une muraille de ronces, d’un simple geste de main.


« Öta ? Elle nous emmène où à ton avis ? » chuchota Tyra. « Tu crois qu’on peut lui faire confiance ?

– Je ne sais pas. Mais Hedera signifie Lierre en vieux-nordan. Je crois bien que c’est l’ami vers qui Noyer nous a envoyés.

– Oh. Je pensais que ce serait un lutinae, comme lui. »


Öta hocha la tête. Il s’était imaginé la même chose et avait hâte d’en savoir plus sur leur mystérieuse hôte.


« Tu as vu sur son bâton ? C’est le même bracelet que celui à ton poignet.

– Ah bon ? » s’étonna Tyra « Mais oui, tu as raison !

– Je me demande ce qu’il signifie… »


Ils entrèrent d’un pas hésitant, mais émerveillé dans la cité. Ils admiraient tout ce qui se dessinait autour d’eux en détaillant chaque nouvelle chose qui leur apparaissait. Le village s’étendait dans le s ruines, ne faisant qu’un avec elles.


Les huttes étaient couvertes de végétation, des racines se prélassaient sur les chemins, des arches de pierres et des rochers décoraient le tout harmonieusement. Tout était superbe, criant l’unité avec la nature.


Les villageois les contemplaient avec un mélange de curiosité et d’inquiétude. Mais lorsqu’ils remarquaient Hedera, qui marchait maintenant derrière eux, leur visage perdait toute trace de peur. À sa vue, ils inclinaient la tête en fermant les yeux jusqu’à ce qu’elle ait fini de passer devant eux, avant d’ensuite murmurer entre eux.


Hedera marchait d’un pas lent, entourée de deux gardes. Tyra se retourna pour lui jeter un coup d’œil. Elle souriait, son visage exprimant toute sa bienveillance.


« Où allons-nous ? » demanda-t-elle et Öta tourna la tête, souhaitant lui aussi entendre la réponse. « Nous allons rejoindre, euh… dynin ?

– Nah. Je.sentir que tu.ëtre fatigué et tu.avoir faim, nah ? Nous.parler après que tu.manger. »


Tyra opina. Son ventre gargouilla, comme pour confirmer les paroles de leur étrange hôte. Elle allait poser une nouvelle question lorsqu’elle s’arrêta. Elle écarquilla les yeux.


Elle venait de reconnaître au loin un visage familier, un visage qu’il lui était impossible d’oublier.



Sur la grande place du village de Yphen, David et Ayel discutaient à voix basse. Ils profitaient ensemble du plaisir d’un bon repas chaud après une journée harassante lorsqu’ils furent rejoints par Max.


Le jeune avait déboulé dans leur champ de vision avec la même délicatesse que celle d’un rocher dévalant une montagne.


« David ! Ayel ! Devinez quoi !! »


Sans leur demander la permission, le jeune homme se faufila et s’installa sur le banc en face deux. Il posa les mains sur la table, tremblant d’excitation.


« Quoi ? » grogna David en posant son verre, agacé. « Tu as encore appris un nouveau mot inutile ?

– J’ai entendu dire qu’il y a des visiteurs à l’entrée du village. Venez, on va voir ! S’il vous plaît ?

– Non merci. » soupira David. « J’aimerais finir mon repas.

– Non, non, tu m’as pas compris ! Ce ne sont pas des visiteurs comme les autres. »


Max se pencha en avant et murmura plus bas :


« À ce qu’il paraît, ils sont comme nous.

– Comme nous ?

– Ce ne sont pas des Sylènes. »


David échangea un regard avec Ayel, attirant un sourire victorieux de Max. Il avait réussi à piquer leur curiosité.


« Ça vous intrigue hein ? Alors, vous venez ? »



David avait suivi Max d’un pas lent et faussement ennuyé. Contrairement à ce dernier, qui ne pouvait s’empêcher de rêver de pouvoir retrouver un visage familier, il ne se faisait aucun espoir.


Ils étaient bien loin de chez eux, et ceux qu’ils aimaient n’étaient plus là. Ayel remarqua la tristesse dans ses yeux et lui prit la main. Elle était chaude, réconfortante. David lui donna un petit coup d’épaule pour le remercier.


Tant qu’ils étaient ensemble, le reste importait peu. Mais alors qu’ils arrivaient non loin de l’entrée de la cité, il lâcha la main de Ayel.


Il fit quelques pas hésitants, se demandant s’il ne rêvait pas. Une personne courrait vers lui, une personne qu’il ne pensait plus revoir un jour.


« Tyra ?

– David ! Oh mon dieu, David !! »


Elle se jeta dans ses bras, des larmes de joie et de soulagement coulant sur ses joues. David la souleva, la serrant contre lui. Il n’arrivait pas y croire. C’était elle. C’était elle !


Il sentit les larmes brouiller son regard. Le bonheur irradiait dans tout son corps. Il n’en revenait pas !


C’était elle !!!


« Tu… tu es là. C’est vraiment toi ?

– Évidemment ! Je t’ai cherché partout ! » couina-t-elle en posant la tête contre lui. « J’ai eu si peur. Je pensais que tu étais.. que tu… ne me fais plus jamais ça, d’accord ?

– Je vais essayer. » répondit-il avec un petit rire nerveux.


Il la serra dans ses bras, se jurant de ne plus jamais la perdre.



David relâcha à contrecœur Tyra, qui fit un grand sourire. Revenant progressivement à la réalité, il la fixa avec surprise. Que faisait-elle là ? Comment était-elle arrivée ?


« Comment-tu… ?

– Je te raconterais après. » éluda Tyra, tout en essuyant machinalement son visage.


Le sceau de sang qui le recouvrait était effacé par endroit à cause de ses larmes. Elle leva les yeux et dévisagea David avec attention.


« Ton visage. » murmura-t-elle alors. « Que s’est-il passé ? »


David détourna les yeux, embarrassé.


« Ah, ça ? » répondit David avec une moue contrariée. « C’est Warin. Il ne m’a pas raté. »


Du bout des doigts, il toucha machinalement son visage. Sa tempe était ornée d’une cicatrice à l’apparence inhabituelle. Le blanc de son œil droit avait changé de couleur, devenant aussi noir que le jais, et sa peau était marquée tout autour.


Tyra le sentait. Ça empestait la magie noire.



« Warin ? Oh bordel. » souffla-t-elle. « Mais comment ?

– Son épée. De la magie noire, selon Dynia. Elle pense qu’il a dû imprégner sa lame d’un mauvais sort.

– Et… ça va ?

– Ça pourrait-être pire. » soupira David. « On a réussi à endiguer le maléfice. Ça ne s’étend plus. Je ne vois plus très bien de cet œil-là, mais sinon ça va.

– Merde. Je suis désolée.

– Tu n’y peux rien. Et dire que j’avais confiance en lui… »


La déception dans sa voix serra le cœur de Tyra. Elle posa la main sur son bras en hochant la tête gravement.


« Si seulement j’avais été présente. J’aurais peut-être pu aider. Je m’en veux de ne pas avoir été là.

– Le principal, c’est que tu sois là maintenant. Si tu savais comme j’ai eu peur de ne jamais te revoir.

– David. Je serais prête à traverser le monde pour te retrouver. » affirma Tyra. « Tu ne peux pas m’échapper aussi facilement. »


David allait répondre lorsque Ayel le devança, rappelant ainsi aux deux amis qu’ils n’étaient pas seuls. À ses côtés, Max tremblait, attendant impatiemment de pouvoir saluer son amie.


Les retrouvailles avec David et le sujet de leur discussion étaient si intenses que les deux hommes n’avaient pas osé s’imposer.


« Vous savez, moi j’aime bien cette cicatrice. » sourit Ayel. « C’est assez séduisant. Ça lui donne un petit côté dangereux, c’est excitant. Il ne manque plus qu’il se fasse repousser un peu la barbe et je l’épouse volontiers.

– Merde, Ayel ! Max !! Vous êtes en vie !

– Oui. Ça fait un moment qu’on attend que tu le remarques. »


Tyra oublia aussitôt la peine qu’elle ressentait quelques instants plus tôt et se remit à pleurer. Elle se jeta dans les bras des deux hommes et tandis qu’elle les étreignait avec un peu trop de force, David ne put s’empêcher de la taquiner.


« Je ne te savais pas aussi émotive.

– Oh, tais-toi ! »



« Tu as fait tout ce chemin seule ? » demanda David lorsque Tyra eut repris ses esprits. « Comment tu as fait ? Comment tu nous as retrouvés ? »


Tyra sembla alors se réveiller. Elle écarquilla les yeux et répondit, un immense sourire éclairant son visage :


« Non ! Je suis venue accompagnée ! Et devine par qui ?

– Mon père ? Léo est là ? » demanda David avec espoir.


Il s’était tant inquiété pour lui depuis leur fuite précipitée. Comment allait-il ? Personne ne lui avait fait de mal ? Mais Tyra secoua la tête en grimaçant. Embarrassée, elle répondit :


« Non. Mais il va bien, rassure-toi. Je suis accompagnée de… de… »


Elle se retourna pour regarder d’où elle venait. Hedera s’était assise sur un rocher et discutait avec ses gardes, mais il n’y avait aucune trace d’Öta.


« Bah, il est où ?

– De qui ? »


Tyra ne répondit pas. Elle revint sur ses pas. Où diable avait-il pu se cacher ? Hedera tourna alors la tête et leur fit un petit signe, désignant un pan de mur à sa droite. Tyra le contourna et tomba nez à nez avec Öta qui tentait de se fondre dans le lierre pour passer inaperçu.


« Hé. Pourquoi tu te terres ? Viens, on a retrouvé David. C’est ton grand moment.

– Je… je ne sais pas si je suis prêt. » murmura Öta. « J’ai peur.

– Ça va aller, je suis là. » Tyra lui prit la main en souriant pour l’encourager. « Tu viens ? »


Öta n’eut pas l’occasion de lui répondre. David venait d’arriver, intrigué. Il s’arrêta aussitôt en apercevant son ami d’enfance.


« Hé, David. B... bonjour ? » bredouilla Öta. « Qu… quelle surprise, hein ? »



David s’attendait à tout, sauf à ça. Il fixa avec stupeur la personne qui se dressait devant lui.


Öta ?


Il eut une seconde d’incertitude, qui s’évapora au premier sourire penaud du jeune homme. Son regard, sa posture, l’attente et l’espoir se dessinant sur son visage, tout lui criait que cet homme était son ancien ami.


Il n’y avait aucun doute. Il s’agissait bien de lui. Mais pourquoi était-il si différent ? Il n’avait rien à voir avec la personne qui l’avait abandonné des années plus tôt.


Et que diable faisait-il ici ?! Depuis quand connaissait-il Tyra ? Pourquoi ? Comment ?


David plissa les yeux. La colère qu’il avait laissé mûrir toutes ces lunes à le blâmer encore et encore pour ses silences était trop intense pour être simplement balayée par l’allégresse du moment.


Il n’avait aucune envie de le voir. Il ne voulait plus de lui dans sa vie. Plus de lui dans son monde. Et il n’avait aucune envie qu’il soit là, aux côtés de Tyra, à gâcher un instant si précieux !


Tout le bonheur des retrouvailles avec elle s’était estompé, remplacé par la rancœur à la vue de ce visage abhorré.


« Hé, David. B... bonjour ? » bredouilla Öta. « Qu… quelle surprise, hein ? »


David se tendit aussitôt. Seul un long silence gênant répondit à Öta, qui se gratta la nuque en détournant les yeux.


« Hé ? David ? » insista-t-il dans un murmure, un soupçon d’espoir dans la voix. « Tu ne me reconnais pas ? C’est moi, Öta ? »


David ne prit pas la peine de lui répondre. Il lui tourna aussitôt le dos et se pencha vers Tyra en posant une main sur son épaule. Il s’adressa à elle en feignant la joie :


« Alors Tyra, t’as beaucoup de choses à me raconter non ? J’ai hâte de savoir tout ce qu’il s’est passé depuis la dernière fois. Ça te dirait un petit verre ? Ils font un alcool infusé aux herbes, leur recette est incroyable. Il faut absolument que tu la goûtes. »


Il poussa son amie en avant pour l’inviter à le suivre. Pour l’inviter à s’éloigner. Öta ne bougea pas, tétanisé.


Tyra, ne comprenant pas sa réaction, s’arrêta et bredouilla :


« Mais… mais ?

– Quoi ? Tu ne veux pas venir ?

– Mais… et Öta ? »


David secoua la tête.


« Öta ? J’connais pas. »



Öta recula d’un pas, touché en plein fouet par la réaction de David. Il le ressentit comme un poignard en plein cœur. Tous ses doutes, ces cauchemars qui le hantaient la nuit, se réalisaient. Il n’aurait jamais dû venir ici. Il n’aurait jamais dû écouter Tyra. Quel idiot il était d’avoir cru que tout se passerait bien.


Il n’avait plus qu’une envie : fuir, partir très loin d’ici et disparaître.


« David. » souffla-t-il. « Je suis dé…

– Je t’arrête tout de suite. Je te connais plus et je n’ai aucune envie de t’écouter pleurnicher. Merci d’avoir accompagné Tyra, maintenant rentre chez toi. »


Tyra hoqueta, choquée. Elle sentit la colère monter en elle, agacée par sa réaction. Comment osait-il agir ainsi, après tout le chemin qu’ils avaient fait pour le retrouver ? Après tout ce qu’Öta avait risqué pour lui ?


Quelle ingratitude ! Elle se dégagea de la poigne de David et attrapa la main d’Öta.


« Ah ? Tu ne veux pas l’entendre ? C’est bête hein, parce que je compte bien rester avec lui. C’est mon ami. »


Elle défia son ami du regard. Peu importe à quel point elle l’aimait, il était hors de question de le laisser agir ainsi. Il n’avait pas le droit ! David plissa le nez, son visage exprimant toute son aversion.


« T’es pas sérieuse ? Lui ? Je savais que tu choisissais mal tes fréquentations, mais là…

– Que je QUOI ? » explosa Tyra. « Ose répéter ça ?!

– Tu m’as très bien entendu. » siffla-t-il. « Il paye bien ? Quoique non, c’est vrai, c’est pas trop le genre de la maison. »


David avait parlé sans réfléchir, sur le coup de la colère. Mais le regard blessé que lui lança Tyra le fit aussitôt regretter ses mots. Des mots qu’il était bien trop fier pour retirer. Lorsqu’Öta s’approcha de lui, il le défia du regard.


Il s’attendait à ce que son ancien ami rampe et le supplie de le pardonner. Mais à la place, il reçut une gifle qui le fit reculer. Öta sembla surpris par son propre geste, mais se ressaisit aussitôt en sifflant :


« Tu peux m’en vouloir autant que tu veux, je comprends. Mais si tu t’en prends encore à Tyra…

– Tu feras quoi ? » répondit David en poussant Öta. « Tu vas retourner pleurer dans les jupes de ta maman ? Ou tu vas suivre ses traces ? La gifle, c’est elle qui t’a appris ça ? Ce serait bien son genre. Tu me répugnes.

– Et toi tu me déçois. »



« T’es vraiment qu’un sale ingrat ! » hurla Öta en essuyant le sang qui coulait de son nez.


David avait décidément beaucoup trop de force.


« Après tout le chemin que j’ai fait pour toi !

– Je t’ai rien demandé ! Rentre chez toi ! » rétorqua David en poussant Öta, qui tomba au sol.


Ce dernier se releva aussitôt en lui attrapant les cheveux, tirant dessus de toutes ses forces tout en s’exclamant :


« Je partirais pas avant qu’tu te sois excusé auprès de Tyra !

– Ça t’regarde pas ! Reste loin d’elle ! »


David se dégagea et repoussa Öta qui chuta en plein sur des paniers de fruits. Ces derniers se renversèrent sous l’air consterné des habitants, qui s’étaient éloigné et regardaient la scène avec horreur.


« Non. » gueula Öta en se relevant. « C’est mon amie !

– Et moi c’est ma meilleure amie ! J’étais là le premier, alors casse-toi !

– Je croyais que c’était moi ton meilleur ami ?!

– Tu rêves là ! Un meilleur ami, ça tient ses promesses ! Ça ne disparaît pas pendant deux ans ! »


David tenta de donner un coup de poing à Öta, qui l’esquiva, mais fut alors attrapé par le col. David le souleva, étouffant Öta qui se débattit et le mordit pour se libérer de sa prise.


« Mais je t’ai envoyé des lettres ! » cracha-t-il. « C’est toi qui ne m’as pas répondu, connard !

– Bien sûr ! C’est ma faute, hein ? Alors que je me suis fait PUTAIN DE BANNIR DEUX FOIS DE MON VILLAGE ! »


Öta attrapa un panier vide et le lança sur David.


« COMMENT JE PEUX LE SAVOIR SI TU ME LE DIS PAS ?!

– BAH TU L’AURAIS SU SI TU ÉTAIS REVENU, DUCON. MAIS NON, MONSIEUR A FAIT SON CHOIX.

– QUEL CHOIX ? T’ES TOTALEMENT BARGE, MA PAROLE ! »


David lui renvoya le panier.


« TU SAIS TRÈS BIEN DE QUOI JE PARLE.

– TU SAIS QUOI ? TU ME FAIS CHIER. »


Profitant d’un moment d’inattention de leur part, leurs compagnons parvinrent enfin à se faufiler pour les attraper. Ayel prit le bras de David, tandis que Max ceinturait Öta.


« VOUS ALLEZ ARRÊTER VOS CONNERIES, OUI ?! » cria Tyra en s’agrippant à eux comme elle le pouvait.


Ne l’écoutant pas, David saisit de nouveau le col d’Öta. Ce dernier entreprit de lui donner des coups de pied, se tortillant comme il le pouvait pour essayer d’atteindre David.


« Bordel de merde. » fit soudain une voix féminine. « Il se passe quoi ici ? »




Dynia se tenait non loin. Elle déposa son sac à ses pieds et croisa les bras, les dévisageant avec un regard exaspéré.


David et Öta arrêtèrent aussitôt de se battre. Ils tournèrent la tête vers elle et David devint blanc comme un linge, tandis que Tyra les lâchait pour se précipiter à ses côtés.


« Dynia !!

– Tyra ? Par les huit, tu es en vie ? Comment… ? »


Tyra s’arrêta devant elle, hésitante. Pouvait-elle la prendre dans ses bras ? Dynia lui sourit et lui ébouriffa les cheveux. Elle posa ensuite la main sur son épaule, la maintenant fermement, tandis qu’elle grognait :


« DAVID. Tu as intérêt à avoir une très très très bonne raison.

– Je… »


David ne parvint pas à trouver les mots. Il déglutit difficilement et baissa la tête. Peu importe sa réponse, il était déjà perdu.


Öta se libéra de l’étreinte de Max et s’approcha d’elle. En chemin, il s’épousseta et tenta de se recoiffer du mieux qu’il pouvait. Il lui tendit la main :


« Bonjour, ma dame. Mon nom est Öta de…

– Rien à foutre. »


Öta baissa lentement la main. Ses joues rosirent de honte, sous le regard désolé de Tyra. Cette dernière dit alors :


« Dynia. C’est grâce à lui que je suis ici. Il m’a montré une entrée et m’a accompagné. Sans lui, je ne vous aurais jamais retrouvés. »


Dynia haussa un sourcil et dévisagea le jeune homme.


« On en reparlera plus tard. » acquiesça-t-elle. « DAVID. »


David se redressa aussitôt, l’angoisse se peignait sur ses traits à grands coups de pinceaux.


« O... oui ?

– On avait dit quoi sur la gestion de la colère ?

– Mais, il…

– Pas d’mais. AU TROU POUR DEUX JOURS. ÇA T’APPRENDRA À FAIRE LE CON DEVANT NOS HÔTES. »


Dynia désignait Hedera. Elle était assise sur un rocher et sirotait tranquillement une boisson qu’un garde lui avait apportée. Bien qu’elle n’exprimait aucun signe d’intérêt à la scène, les hommes autour d’elle semblaient désespérés.


En comprenant qu’elle était mentionnée, elle tourna alors la tête vers eux. Elle haussa un sourcil en continuant de boire.


« Ce.ëtre fini ? »



Dynia croisa de nouveau les bras et s’adossa à un rocher en soupirant. Elle ne s’était pas attendue à ça. Tyra était en vie et avait réussi à les retrouver ? Et accompagnée de surcroit ? Qui était cet homme au juste ?


Pourquoi s’était-il battu avec David ? Pourquoi en étaient-ils venus aux mains ? Ils n’avaient donc rien de mieux à faire ? Leur bagarre était aussi ridicule qu’agaçante.


« Bon, je crois que l’on s’est assez donné en spectacle pour aujourd’hui. » grogna-t-elle en se massant l’arête du nez. « Vous allez me suivre dans mes quartiers. Je vous embarque tous et vous avez intérêt à bien réfléchir à ce que vous allez me dire. Je suis contente de te revoir Tyra, mais sans bonne excuse vous irez tous les deux au trou avec David. »


Tyra hocha lentement la tête, embarrassée. Dynia étant toujours sa supérieure, elle préférait garder le silence. Elle s’était assez attirée d’ennuis pour aujourd’hui. Les retrouvailles étaient bien différentes que ce qu’elle s’était imaginé.


Elle échangea un regard avec Öta. Bien qu’il ait tenté de reprendre contenance, il était assez amoché. Et du sang continuait de couler faiblement de son nez. Dynia leur donna une petite poussée dans le dos pour les forcer à avancer, lorsque Hedera se leva et dit :


« Nah. »


Dynia s’arrêta. Elle pencha la tête, surprise.


« Nah ?

– Gardespred.rester avec nous.

– Gardespred ?

– Elle parle d’Öta. » souffla Tyra. « Je t’expliquerais. »


Dynia fronça les sourcils.


« Comment ça ? Hedera, nous avions convenu que je me chargeais moi-même de punir mes hommes et d’assumer les responsabilités de leurs actes. Ils doivent venir avec moi.

– Nah.

– Mais, Hedera…

– Nah. »


Hedera soupira et ne trouvant pas les mots rétorqua :


« An Gardespred.anbeil ni an searanta dë hum. Tha.madeil ni an gwyr dë drasten an gardespred. Tha.madeil ni an gwyr dë takla an gardespred. Thu.mandeil hepner a tha.drepa ni Davin. Hedera.drastena an Gardespred. »


Dynia secoua la tête, n’ayant pas compris ce que voulait dire l’étrange femme. Öta quant à lui grimaça. Elle venait entre autre d’affirmer que sans leur engagement, elle aurait tué David pour avoir touché un gardesprit. Charmant.


« Elle dit que je suis au service des esprits, pas des hommes. » soupira-t-il, attirant un regard surpris de Dynia. « Vous feriez mieux de l’écouter. On ne dirait pas comme ça, mais elle est très en colère contre David.

– Tu parles sa langue ?

– Oui.

– Mais t’es qui au juste ?

– Mon nom est Öta de Morthebois, fils de seigneur de Morthebois et protecteur de Mortherbe. Mais je suis surtout un serviteur des Dames, enchanté. »



La surprise se peignit sur les traits de Dynia, qui tourna aussitôt la tête vers Tyra en lui faisant les gros yeux.


« Un noble ?! Tu nous as ramené un noble ? » siffla-t-elle, occultant totalement le reste. « Mais t’es folle ?!

– Je peux tout expliquer. » grimaça Tyra en agitant les mains. « Il n’est pas comme les autres. Il ne dira rien sur le village et les souterrains. J’ai confiance en lui.

– Je confirme, il est doué pour garder le silence. » grogna David, mauvais.


Ce dernier était assis par terre, les bras croisés. Irrité, il défiait toujours Öta du regard. Ayel, qui se tenait debout à ses côtés, lui donna un coup de pied dans le bras pour le faire taire.


« Hé !

– Chut, n’aggrave pas ton cas. »


David se renfrogna. Profitant que les regards n’étaient pas sur lui, Öta lui tira puérilement la langue. Tyra tourna la tête à ce moment-là et haussa un sourcil. Prit sur le fait, les joues d’Öta se colorèrent.


« Bon. J’ai hâte d’entendre ces explications. » soupira Dynia en se frottant la nuque. « Mais avant toute chose, retournons à notre camp. J’ai besoin d’un verre. Quelque chose de fort. Très fort. »


Tyra opina du chef. Elle lança un regard interrogateur à Öta, qui la rassura :


« Vas-y. On se retrouvera plus tard, d’accord ?

– Je n’aime pas l’idée de te laisser seul avec eux. » répondit-elle en lui prenant la main.


Elle désignait Hedera et ses gardes, qui attendaient patiemment qu’ils aient fini.


« Nous sommes en territoire inconnu, on ne sait pas ce qu’ils pourraient te faire. »


Öta sourit. Il embrassa ses doigts du bout des lèvres tout en lançant regard en coin en direction de David.


« C’est bon. De toute façon, je ne suis pas le bienvenu parmi tes amis. » fit-il en se redressant. « Je serais sans doute mieux avec eux. Ils auront peut-être même des réponses à mes questions.

– J’espère. »


Ils échangèrent un regard tendre avant de se séparer.


« C’est ça, casse-toi ouais !

– David. Ta gueule. »



Ce fut d’un pas curieux que Tyra suivit le groupe vers de vieux bâtiments écroulés en contrebas du village. Il n’y avait pas de hutte par ici, pas de sylènes, seulement des ruines et une forte végétation.


« Hedera nous a permis de nous installer ici. On y a monté notre camp et c’est plutôt confortable. » expliqua Dynia en se dirigeant vers l’un des seuls bâtiments encore debout, bien qu’à moitié dévorés par la nature.


Elle ouvrit une porte qui menait vers une pièce souterraine et s’engouffra dedans en s’exclamant : « Je te présente la chambre de David.

– Très drôle. » grogna ce dernier.


Tyra leur emboîta le pas, découvrant ainsi de vieux cachots en partie effondrés. Dynia avait tiré des clefs de son escarcelle et ouvrit l’une des portes en métal. Un grincement sinistre résonna, faisant frissonner la jeune femme.


« Allez, David. Dedans.

– Dynia…

– Tu commences à connaitre la chanson. Tu sortiras quand tu seras calmé.

– Mais moi aussi j’aurais voulu entendre l’histoire de Tyra ! » lança-t-il. « Tu pourrais au moins attendre avant de m’enfermer. »


Tyra, qui regardait la scène sans intervenir, lui fit une grimace d’excuse. Mais son regard exprimait parfaitement le fond de sa pensée : « Tu l’as bien mérité ».


« Fallait réfléchir avant de faire le con. Faut que tu arrêtes de te battre avec tout le monde.

– Mais c’est lui qui a commencé…

– Je me fiche de qui a fait quoi. On n’est pas chez nous ici. Tu dois apprendre à te contenir, bordel. On n’est pas tout seul, je refuse que ma femme et mes enfants se retrouvent de nouveau coincés en pleine nature parce que tu piques des crises de colère toutes les cinq minutes. »


David renifla et tourna le dos à Dynia. Il s’assit alors sur le sol dans la cellule et croisa les bras. Il avait beau savoir que Dynia avait raison et qu’il était allé trop loin, il détestait cette situation. C’était si injuste !


C’était Öta qui avait provoqué la bagarre en le frappant en premier. David avait tenté de l’ignorer, il avait tenté de faire la part des choses. Il n’était pas le seul fautif ! Et pourtant, comme d’habitude, le petit noble s’en sortait sans problème.


« Allez David. » soupira Dynia en refermant la porte à clef. « Tu sais que je ne peux pas faire de favoritisme. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer.

– Mouais. »


Lorsque ses compagnons furent partis, David s’allongea sur le sol et fixa le plafond avec désarroi. Mais malgré le mécontentement que lui provoquait cette situation, il était soulagé d’être enfin seul.


« Öta… » souffla-t-il.


Sa présence avait remué beaucoup de choses en lui. Des choses qu’il aurait préféré garder enfouies au plus profond de son esprit, cadenassé dans un coffre.


Il avait tant de questions à son sujet. Tant de sentiments contradictoires qui se bousculaient dans son esprit. Il resta une éternité sans bouger, sans réussir à aligner deux pensées.


« Ça va ? » fit alors la voix de Ayel. « Je t’ai apporté à manger. Je sais que notre repas est récent, mais avec toutes ces émotions je me suis dit que ça te ferait du bien. Et en plus, ça me donnait une bonne raison de venir t’embêter. »


David se redressa aussitôt, un sourire éclairant son visage. Il se retourna et découvrit son compagnon de l’autre côté des barreaux, le fixant d’un air inquiet.


La colère et la déception brillaient toujours au fond de ses yeux, comme à chaque fois que David se laissait dévorer par ses émotions, mais l’inquiétude avait pris le pas sur le reste.


« Tu te sens comment ? » demanda Ayel en lui tendant un petit bol de soupe, profitant que certains barreaux soient cassés pour le glisser dans le trou le plus large.


David fit la moue. À vrai dire, il ne savait pas trop. Il ne parvenait pas à traduire ses émotions. Tout était flou, chaotique.


« Aucune idée. Comme dirait Tyra, j’ai le dieu Khüd dans la tête. »


Sa réponse attira un demi-sourire à Ayel. David déposa le bol de soupe à ses pieds et serra la main de son compagnon à travers les barreaux. Ayel soupira et posa la tête contre ceux-ci. Il ferma les yeux. Son souffle réchauffa David, qui posa à son tour le front contre le métal froid.


« Je n’aime pas te voir comme ça. » murmura Ayel. « Je sais que ce n’est pas facile de voir ton passé ressurgir brusquement, mais s’il te plait, quand tu sortiras… ignore cet homme. Il n’en vaut pas la peine.

– Tu ne le connais même pas.

– S’il te rend triste, alors je ne veux pas le connaitre. » siffla Ayel. « S’il s’impose trop, on restera dans notre coin, d’accord ? Je resterai avec toi, tu n’auras même pas besoin de le côtoyer. »


David hocha la tête, reconnaissant.


« Merci.

– Tant que j’y pense… avant de s’enfermer avec Dynia, Tyra m’a dit qu’elle passerait te voir dès que possible pour te raconter son voyage. Elle avait l’air désolée.

– Je ne comprends pas qu’elle veuille encore me voir. Je n’aurais jamais dû lui parler comme ça. » gémit David, la voix pleine de remords. « Je ne sais ce qui m’a pris.

– Effectivement. Tu lui présenteras tes excuses.

– Évidemment. »


Ayel lui fit un sourire.


« Et bien parfait alors. Je vais te laisser, il faut que j’aille ramasser des cailloux.

– Des cailloux ?

– Oui. Si ce Osha t’embête de nouveau, je pourrais lui lancer. »


Un petit rire s’échappa des lèvres de David, qui répondit :


« Prends les plus gros alors.

– Je pensais plutôt aux plus pointus. Ceux qui font mal.

– Tu es horrible.

– Je sais. Mais tu aimes ça, avoues. »



Tyra suivit Dynia entrèrent dans une grande tente aux tissus colorés, qui au vu des motifs appartenait aux sylènes. Tyra regarda autour d’elle, admirative. Le lieu semblait assez confortable, des peaux de bête tapissaient le sol et une petite table fabriquée dans un tronc d’arbre trônait au centre.


« Les sylènes vous ont fourni tout ça ?

– Oui. » répondit Dynia en sortant une bouteille d’un sac en tissu. Elle la déboucha et en but plusieurs gorgées. « Tiens, t’en veux ?

– Merci. »


L’alcool sentait bon. Elle trempa le bout de ses lèvres pour goûter avant de finalement en boire une gorgée. C’était fort, avec un goût prononcé de terre, mais pas désagréable.


Pendant ce temps Dynia s’assit par terre. Elle relâcha ses cheveux en poussant un soupir de soulagement et posa ensuite les mains sur sa petite table.


« Alors ? Raconte-moi, je veux tout savoir.

– Je ne sais pas par où commencer. » répondit Tyra en s’asseyant à son tour. « C’est compliqué.

– Commence par le début. Où étais-tu ? »


Tyra retira son écharpe et la posa à côté d’elle.


« David ne vous a rien dit ?

– Seulement que la dernière fois qu’il t’a vue, tu partais pour la surface. Il était mort d’inquiétude mais refusait de croire à la rumeur de ta mort.

– Et il t’a dit pourquoi je partais à la surface ? » murmura Tyra.


Dynia savait-elle pour Gahan ? Savait-elle que Tyra était responsable du chaos dans le village qui avait provoqué la chute de Söl ? Mais Dynia secoua la tête.


« Non. Seulement que Söl t’avait confié une mission secrète. Quelque chose au sujet de surveiller quelqu’un. »


Tyra garda un visage neutre, cachant sa surprise. Comment ça ? Une mission secrète de Söl ? David n’avait rien trouvé de mieux ?


« Ah. Oui. La mission secrète.

– Tyra. » siffla Dynia en plissant les yeux. « Je veux savoir la vérité. »


Tyra soupira. Elle attrapa la bouteille d’alcool qu’elle avait reposé sur la table et en but une grosse gorgée pour se donner du courage.


« Tu sais, avant de disparaître le village a été attaqué par des sylènes ?

– Oui. On ne les a jamais retrouvés, ils ont dû réussir à s’enfuir. C’était le chaos. Heureusement que tu as soigné quelques blessés avant de disparaître.

– Oui. Et bien, en fait, il n’y avait qu’un sylène. Ou plutôt, une.

– Quoi ?

– Elle s’appelait Gahan et… elle était là parce qu’elle me cherchait. Mais elle n’avait pas prévu d’attaquer le village et de faire du mal à nos compagnons, elle a juste eu peur ! » ajouta rapidement Tyra. « Elle était juste effrayée… »


Dynia resta silencieuse.


« J’ai disparu parce que je l’ai aidé à s’enfuir. Je l’ai fait sortir du village pour la sauver et arrêter ce carnage. Mais Söl savait pour elle, elle a forcément dû faire le lien.

– Bordel de merde. Et elle est où maintenant ? »


Le regard de Tyra s’assombrit et Dynia comprit immédiatement.


« Oh merde. Désolée pour ton amie, gamine. »


Tyra releva aussitôt la tête.


« Attends, tu ne m’en veux pas ?

– Si. J’ai bien envie de te frapper. Mais c’est trop tard maintenant. » grogna Dynia en buvant une autre gorgée, finissant la bouteille. « Et donc Söl était au courant ?

– Oui. À l’origine, je rencontrais Gahan hors de notre territoire et je faisais des rapports à Söl. Elle voulait en apprendre plus sur les Sylènes et leur culture avant de lancer une expédition pour tenter de faire la paix.

– Hum. Et que s’est-il passé pour que ça tourne aussi mal ? »


Tyra se mordit la lèvre mais ne répondit pas. Dynia ouvrit la bouche, surprise.


« Oh bordel. C’est pas ce que je crois ? Toi et la sylène ? »


Tyra hocha la tête avec embarras.


« Söl a voulu nous séparer. C’est pour ça que… voilà.

– Putain de merde. »


Dynia éclata de rire. Un rire étrange, à mi-chemin entre l’amusement et la tristesse.


« Mais non. C’est de famille, j’y crois pas.

– Dynia ?

– Je sais pour ton arrière grand-mère. Söl m’a tout raconté quand elle l’a su.

– Quoi ?

– C’est moi qui étais censé diriger l’expédition. Et regarde où on en est maintenant ? » gloussa Dynia « En plein dans un village de Sylène, à faire ami-ami avec eux. »


Elle lança la bouteille vide par terre et cracha :


« Foutu destin de merde. »



Le rire nerveux de Dynia fit frissonner d’incrédulité Tyra. Elle n’avait jamais vu la guerrière dans cet état. La fatigue se lisait dans ses traits, elle semblait épuisée par tout ce qu’elle avait vécu récemment.


Tyra en profita pour se frotter machinalement les yeux, une tentative pour effacer les traces de larmes qui avaient menacé de couler à l’évocation de Gahan. Mais lorsqu’elle regarda ensuite sa main, les traces rouge dessus lui firent l’effet d’un coup de tonnerre.


Elle sursauta et s’exclama :


« Merde ! J’ai oublié de renouveler son sceau ! »


Tyra se leva aussitôt mais fut retenue par la main de Dynia qui avait attrapé sa tunique et la maintenait fermement en place.


« Quoi ? C’est quoi cette histoire ?

– J’ai oublié de renouveler le sceau de sang de mon ami. On n’a pas de masque alors… » la voix de Tyra s’éteignit.


Elle réalisa à cet instant que Dynia ne portait pas de masque. À vrai dire, depuis qu’elle les avait retrouvés, elle n’en avait vu sur aucun membre du groupe.



« Attends, ils sont où les vôtres ?

– Rassied-toi gamine. » grogna Dynia. « Ils nous les ont pris. Y’a pas d’attraction dans le village, ton p’tit noble ne risque rien. »


Tyra s’exécuta en soupirant, soulagée. Avec la bagarre, le sceau d’Öta avait bien souffert. Elle s’en serait voulue qu’il y ait un accident à cause d’un oubli aussi idiot.


« Ils ont pris vos masques ? » réalisa-t-elle alors. « Quand ça ?

– Quand on est arrivés ici. Ces p’tits voleurs nous ont dépouillés de tout notre matériel. Plus d’masque, de cristaux, ils ont même pris mon épée.

– Et vous vous êtes laissé faire ?

– On n’avait pas le choix. Tu sais ce qu’il s’est passé au village, pas vrai ? Pour Söl et ton frère ? »


Tyra hocha lentement la tête.


« Bien. Je n’aurais pas aimé devoir t’annoncer la nouvelle.

– Ce n’est pas pour rien que je suis venue vous sauver !

– Nous sauver, hein ? T’es mignone. J’suis contente que tu n’aies pas eu à voir ça, c’était pas joli joli. »


Dynia se pencha en arrière pour s’étirer et marmonna :


« On est plutôt bien ici. Si on oublie qu’on est tout autant prisonniers qu’invités, ce village n’a pas mal de qualités. Et leur cheffe est plutôt jolie, bien qu’un peu trop grande et mystérieuse à mon goût. »


Tyra pouffa. La tentative de Dynia pour alléger l’atmosphère était appréciée.


« Mais comment vous en êtes arrivés là ? » demanda-t-elle. « Comment ça se fait qu’ils vous aient accueillis ?

– Tu veux la version longue ou courte ? Et d’abord, c’était pas à toi de me raconter où t’étais passée ?

– Chacune son tour. »





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