- 09 - Un nouveau départ ?
- bleuts
- 24 nov. 2024
- 23 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 déc. 2024
Partie 1 - La décision
Pendant ce temps, dans le village de CerfBlanc, la vie suivait son cours pour Ayel et David. Si Öta enchainait les voyages, poussé par son désir de devenir herboriste, sa foi et son attrait dangereux pour la magie… David quant à lui ne bougeait pas.
Il se plaisait là où il se trouvait, sa vie actuelle lui convenait parfaitement. Les journées étaient toujours les mêmes, mais lui laissaient chaque fois cette douce sensation d’avoir réalisé quelque chose de concret.
Quand il ne travaillait pas avec Ayel, il se faisait des amis dans le village. Il apprenait à s’ouvrir aux autres et à partager son bonheur. Il s’entendait très bien avec les enfants, qui venaient le voir tous les jours à l’atelier pour lui demander de jouer avec eux.
Merry était sans aucun doute la petite fille qui collait le plus David. À l’instar d’Öta, elle venait sans cesse le voir, pour lui demander de jouer. David la faisait monter sur ses épaules, elle adorait ça !
Au début, si elle venait à l’atelier, c’était pour voir Ayel. Elle était la fille d’un de ses amis et le connaissait depuis sa naissance. Comment pouvait-elle ne pas l’apprécier ? Ayel lui fabriquait des jouets ! Elle voulait se marier avec lui pour avoir des jouets toute sa vie.
Mais elle avait vite changé d’avis quand David s’installa dans le village. Il était gentil et avait les cheveux doux. Il la laissait lui tripoter sa tignasse et tirer dessus.
David trouvait toujours le temps de s’occuper d’elle. Alors évidemment, elle décida que ce serait plutôt lui avec son mari quand elle serait grande. Elle ne se doutait pas encore que bientôt, elle ne pourrait plus le voir.


Ayel avait certaines petites habitudes, que David avait fini par accepter. Les suçons en faisaient partie. Mais évidement il n’était pas très doué pour les cacher. Fort heureusement, quand il se trouvait à l’extérieur, le froid l’obligeait à porter des écharpes et cols épais.
En intérieur par contre, c’était autre chose. Un jour, alors qu’il venait lui rendre visite, Léo remarqua immédiatement les traces sur son cou.


Léo n'était pas dupe. Il avait compris depuis longtemps qu’Ayel et David s’aimaient. Il voyait bien dans leurs regards, dans leurs gestes, qu’il y avait plus qu’une relation amicale. Il avait attendu avec impatience que les deux hommes lui annoncent la grande nouvelle.
Mais rien. Il décida finalement de prendre les devants, quitte à les secouer un peu.
« Je suis même étonné d’être le seul à avoir compris. Vous vous dévorez des yeux depuis votre première rencontre. »


Une fois son plaisir de taquiner Ayel et David assouvi, Léo redevint sérieux. Si la culture abarianne n’avait aucun préjugé envers les couples homosexuels… ils n’étaient en revanche pas aussi ouverts à l’amour entre un maître et son apprenti, qui ne devaient en aucun cas entamer une relation romantique.
Peu importe que contrairement aux autres apprentis, David soit un adulte. La loi du village était claire. Léo connaissait bien Irma et Lyna, les dirigeantes de leurs deux villages.
Si Irma pouvait se montrer compréhensive, ce n’était pas le cas de Lyna. Elle était sévère et très respectueuse des traditions. Lyna n’hésitait pas à punir ou bannir ceux qui ne les respectaient pas. Et Irma, qui était profondément amoureuse d’elle, approuvait toujours ses décisions.
Ayel et David étaient sous sa juridiction, car ils vivaient à CerfBlanc. Et il était évident qu’en l’apprenant, elle ne laisserait pas passer ça.

« Malheureusement on ne peut pas faire grand-chose… »
Depuis le début, Ayel était conscient que ce serait compliqué. Il aimait David et voulait faire sa vie avec lui. Il se fichait bien de bafouer les lois, si ça lui permettait d’être avec lui.
Edhy, son maître, l’avait toujours encouragé à privilégier l’amour à tout le reste. Mais il tenait aussi à son village, à son atelier, à ses souvenirs et tout ce qu’il avait construit ici.
Malgré son enfance désastreuse, il avait réussi à remonter la pente et trouver sa voie. Si perdre tout ça était le prix pour aimer David, il était prêt à le payer. Mais il avait peur et redoutait ce moment. David quant à lui ne souhaitait qu’une chose : vivre auprès des personnes qu’il aimait.
Léo et Ayel.
Quand Ayel lui avait expliqué le problème, au début de leur relation, il s’était demandé si changer de maître pouvait leur permettre d’être ensemble. Même si l’ébénisterie était quelque chose qui le passionnait et le rendait heureux, il préférait perdre ça plutôt qu’abandonner Ayel.
Mais les traditions abariannes étaient compliquées. Un apprenti ne pouvait pas abandonner son apprentissage. C’était vu comme un rejet de sa place au sein du groupe, quelque chose de mal.
De plus le maître était considéré comme le troisième parent d’un apprenti, ce qui compliquait les choses.
L’apprentissage était déjà en lui-même très dur, avec de nombreuses cérémonies, rites de passage… et arriver à la fin de celui-ci ne signifiait pas pouvoir devenir maître à son tour, car il fallait ensuite prouver que l’on était digne d’endosser ce rôle.
En l’abandonnant en cours de route, on montrait que l’on n’était pas digne de confiance. C’était la pire chose à faire. David haïssait cette situation.
Il n’avait pas l’intention de passer sa vie à cacher ses sentiments. C’était supportable un temps, mais pas éternellement. Il n’avait pas l’intention de répéter les erreurs de ses parents. Il voulait être maître de son destin. Accepter de subir les décisions d’autrui et le regretter n’était pas dans ses projets.


Léo était entièrement d’accord avec David. Ils ne pouvaient pas rester comme ça éternellement. Un apprentissage abarian durait en moyenne une dizaine d’années. Comme David était déjà un adulte, il serrait probablement moins long, peut-être sept ou huit ans. Mais même après ça, la loi leur interdirait d’être ensemble. C’était idiot et injuste.
Ça lui rappelait sa propre histoire avec Esther, la mère de David.
Esther et Léo avaient été forcés de cacher leur relation pendant des années. Et quand ils avaient enfin décidé de se libérer de leurs chaines pour vivre leur amour en plein jour, il était trop tard. Ils avaient regretté de ne pas avoir pris cette décision plus tôt. Léo ne voulait pas ça pour son fils. Il méritait d’être heureux avec la personne qu’il aimait.
« Ne répétez pas mes erreurs. Ayel, tu connais mon histoire et tu sais à quel point elle est semblable à votre situation. »
Le destin était bien cruel d’ainsi pousser David à revivre la tragédie de ses parents.

« Cette situation nous fait souffrir tous les deux. On ne peut plus rester comme ça. »
Grâce au soutien de Léo, ils décidèrent qu’il était temps de demander une audience auprès du Grand Maître du village. Continuer à se cacher ne les aiderait pas à avancer. Peu importe sa réaction, le plus important était de se sortir de cette situation et d’arrêter de se dissimuler derrière des mensonges.
« Peu importe ce que diront les gens du village, on restera ensemble. Je veux qu’un jour on puisse se marier, que l’on fonde un foyer et que l’on puisse vivre sans avoir à nous soucier du regard des autres. »


Partie 2 - L'Audience.
Ayel respecta sa promesse. Il lui fallut plusieurs jours pour trouver le courage de demander une audience à la dirigeante du village, Lyna. Mais il le fit.
Il comptait jouer franc jeu. Lui expliquer sa relation avec David, les raisons qui l’avaient poussé à garder ce secret aussi longtemps et lui demander d’accepter tout ça. Après tout, David n’était pas comme les autres apprentis. Il était déjà un adulte, la situation était particulière.
Mais Ayel n’avait aucun espoir quant à sa réponse.

Malheureusement David ne pouvait participer à l’échange, les apprentis n’avaient pas le droit de demander audience. Seuls les maîtres en avaient l’autorisation. Il souffrait de savoir Ayel seul, sans pouvoir l’aider et l’épauler.
Ce dernier était seul face à la dirigeante du village.


Au moment où Ayel évoqua sa relation avec David, le visage de la femme se ferma. Il comprit alors qu’il avait perdu toute chance de la convaincre, avant même d’avoir pu s’expliquer. À chaque mot qu’il prononçait, le regard de la dirigeante du village devenait plus sombre.
« Non. »
Ayel se retrouva face à un mur. Il tenta d’argumenter, de lui demander de réfléchir, lui expliquant la singularité de la situation. Mais la femme ne voulait rien entendre. La colère monta. Elle gronda :
« Après tout ce que tu as fait, tu oses venir me demander d’accepter ça ?! Tu crois vraiment que j’ai oublié ? Comment oses tu ne serais-ce que te montrer devant moi en me demandant une faveur ? »
Ayel savait pertinemment à quoi Lyna faisait allusion. Et il n’aimait pas la tournure que prenait la conversation. Il n’était pas prêt à entendre ce qui allait suivre.
« Je ne peux pas accepter de faire une faveur à une personne ayant un passé aussi lourd. Ce serait compromettre le village, nos lois et nos traditions.
– Mais ça n’a rien à voir ! C’était un accident, j’ai été innocenté devant les dieux.... »
La réaction d’Ayel ne fit qu’attiser la colère de la dirigeante.
« Certes tu as su embobiner tout le monde avec ces mensonges. » gronda Lyna, hors d’elle. « Si tu n’avais pas eu certains soutiens, voilà longtemps que tu aurais été puni pour ton crime. »
Elle s’était gardée de donner son avis durant toutes ces années, mais maintenant qu’Ayel franchissait de nouveau la limite, il n’y avait plus rien pour la retenir.
« Je n’ai jamais cru à cette histoire d’accident. Tu as beau répéter que Mark abusait de toi et te battait, comment te croire ? C’était un jeune homme admirable.
– Mais c’était vraiment un accident ! Je tentais juste de le repousser… »

Ayel n’aurait jamais pensé qu’elle irait jusque lui parler de « ça ». S'il avait su, jamais il n’aurait laissé David le convaincre d’avoir cette discussion.
Il avait été jugé plusieurs années plus tôt, lorsque son compagnon était mort. Ce drame le tourmentait encore. Car en tentant de le repousser, alors qu'il abusait de lui, Ayel l'avait tué.
Dans les situations aussi particulières que celle-là, c’était toujours difficile de trancher. Mais dans cette affaire, Ayel avait reçu le soutien des villageois. Le punir aurait posé beaucoup de problèmes et de dissensions au sein de la communauté. Pour le bien de tous, Lyna avait accepté de l'innocenter.
Depuis, elle n’en avait jamais reparlé. Il sentait dans son regard qu’elle le haïssait, mais elle ne s’était jamais servie de ça contre lui. Et même si aujourd’hui ça le hantait encore, Ayel pensait cette histoire loin derrière lui.
Il avait prouvé au village qu’il était une bonne personne, qu’il était généreux et bienveillant. Tous l’avaient soutenu et aidé à aller de l’avant. Que Lyna déterre ainsi de cette histoire pour justifier son refus, ce n’était pas juste. Ce n’était pas digne de la dirigeante qu’il avait connue autrefois.
Ayel écouta Lyna parler, accusant ses mots avec douleur. Il resta silencieux, baissant les yeux et les épaules. En voyant qu’il ne se défendait pas plus, Lyna se calma. Elle aurait aimé le bannir, lui dire de partir immédiatement et de ne jamais revenir. Mais elle ne le fit pas.
« Je vais en parler avec mes conseillers. Tu auras la réponse demain. »
Le soupir d’Ayel à cette réponse lui fit ajouter :
« En attendant, prépare tes bagages. Tu as commis un grave délit au sein de notre Caste, ce ne sera pas pardonné. »

Pendant ce temps, David patientait à l’extérieur avec Léo et Luc. Il s’inquiétait pour Ayel et seule la présence des deux autres hommes à ses côtés l’aidait à supporter l’attente. L'ébéniste n’avait jamais été très doué pour se défendre ou faire valoir son avis. Il ne savait pas hausser la voix, il était bien trop doux pour ça.
À force de toujours vouloir plaire aux autres, il se laissait marcher sur les pieds. Et ça, David l’avait remarqué depuis longtemps. Il faut dire qu’il en avait profité plus d’une fois pour éviter de devoir travailler sa lecture et son écriture. David était plutôt doué à ce jeu.
Il craignait donc qu’Ayel ne sache pas faire entendre leur point de vue. Il aurait aimé l’accompagner et participer. Il avait conscience que malgré sa timidité, il avait plus de hargne qu’Ayel. Et ça l’énervait de devoir attendre.

Pendant qu’Ayel était avec la dirigeante, pour David, le temps passait au ralenti, douloureux et inquiétant. Il brisa le silence.
« Dis-moi Léo, pourquoi Ayel et toi semblez si persuadés qu’elle refusera notre demande ? Pourtant au village, tout le monde parle d’elle comme d’une personne juste.
– Je te l’ai déjà dit, elle ne nous aime pas.
– Mais pourquoi ? Explique-moi. »

« Pour ma part... j’ai tourné autour sa compagne. J’ai toujours apprécié Irma, avant de rencontrer ta mère j’avais des sentiments pour elle. Depuis cette époque, Lyna me voit comme un rival amoureux.
– Irma et toi, vous avez… ?
– Non, heureusement ! Je serais déjà mort et enterré si c’était le cas. »

Dès qu’Ayel fut seul, les larmes coulèrent le long de ses joues. Il craqua. Depuis le début il répétait à David que c’était une mauvaise idée.... mais au fond de lui, il avait vraiment espéré. Il pensait pouvoir y arriver, rêvant d’annoncer la bonne nouvelle à David. Il pensait que les dieux étaient avec lui et le soutiendraient. Mais non, il était seul.
Ayel tenta de se reprendre. Il s’essuya le visage, inspira profondément et rejoignit ses proches. David, Luc et Léo se précipitèrent vers lui en le voyant. Mais son visage fermé, ses yeux rouges et fuyants… ne laissaient aucun doute quant au déroulement de l’entrevue.
« Nous n’aurons la réponse que demain à midi. Mais elle m’a bien fait comprendre que c’est sans espoir. »

Quand une décision importante devait être prise, Lyna se tournait toujours vers ses conseillers. Avec elle, ils étaient les figures centrales du village. Des rôles indispensables, dont la voix avait beaucoup d’importance. Même si elle était chargée de prendre la décision finale, elle prenait très à cœur leur point de vue et les écoutait jusqu’au bout.
C’était eux, Hem et Sasha, qui plusieurs années plus tôt l’avaient convaincue d’innocenter Ayel. Hem avait longuement argumenté en ce sens, la convainquant que c’était nécessaire pour la cohésion du village.
Ce dernier était un grand support moral pour les villageois, qui se confiaient à lui sans crainte : il ne divulguait jamais leurs secrets, même lorsqu’ils enfreignaient la loi. En tant que Shaman, il était considéré comme la voix des dieux, une personne sage et respectée. Il était important de l’écouter.
Lyna, qui comptait bannir Ayel, n’en démordait pas. Mais Hem fit son possible pour que ce bannissement ne soit pas synonyme de mort. Il aurait préféré qu’Ayel reste dans le village. Mais la dirigeante avait déjà fait son choix.
Si Ayel ne pouvait pas rejoindre une nouvelle Caste, alors ce n’était rien de plus que le jeter en pâture aux nordans. Être un orian, la race aux oreilles pointues, était déjà très difficile à vivre en temps normal.
Quand ils n’étaient pas esclaves, les orians étaient vus comme des parias, une sous-race qui ne méritait pas le respect. Rares étaient les villages à réellement les accepter sans haine ou dégout. Mais si en plus cet orian était abarian… alors, c’était la mort assurée.
Les tatouages sur le visage d’Ayel, sur son corps… tout criait qu’il était abarian. Cette religion était interdite et méprisée dans le reste du pays. C’est pour ça que les membres de leur peuple qui prévoyaient de voyager durant leur vie évitaient de se tatouer le visage.
Autrement, c’était comme porter un écriteau sur lequel était inscrit : « Tuez-moi ! »
Hem argumenta longtemps sur le sujet. Quand le crime commis était vraiment très grave, le bannissement du culte était logique et il l’acceptait. Là, le crime d’Ayel était d’être tombé amoureux. Certes, David était son apprenti. Mais les circonstances étaient particulières.
Méritait-il la mort pour ça ? Non.
Normalement, le bannissement interdisait à la personne de rejoindre une nouvelle caste, de refaire sa vie dans le culte. Ça allait bien plus loin qu’un simple « quitte le village et ne revient jamais. » Un tatouage était réalisé sur sa main, symbolisant qu’il n’avait plus le droit de prier les dieux. Ainsi, aucune autre caste n’acceptait le banni. Il ne pouvait refaire sa vie.
« Bannissons Ayel sans lui retirer la foi. Laissons-lui la chance de se chercher une nouvelle Caste. Un village qui pourra lui donner sa chance. »

Ayel et David rentrèrent à l’atelier pour y passer la nuit. Ils espéraient profiter d’une bonne nuit de sommeil avant que leur vie ne sombre dans le chaos. Mais ils furent incapables de se reposer. Les deux hommes trouvaient cette situation absurde et injuste. Si Ayel était excédé et dépité, David lui était furieux contre le village.
Pourquoi personne ne lui demandait ce que LUI en pensait ? Parce qu’il n’était qu’un apprenti, il n’avait pas le droit de demander audience et de s’exprimer ? Dans l’histoire, il était tout autant responsable qu’Ayel ! Alors pourquoi seul Ayel était jugé ? Pourquoi seul Ayel risquait sa position dans le village ? David n’était plus un esclave ! Il avait le droit de choisir avec qui il voulait faire sa vie. Il avait le droit d’aimer la personne de son choix !
Peu importe que les traditions s’y opposent, son corps et son âme n’appartenaient qu’a lui. Il avait suffisamment souffert, il n’était pas question qu’il s’enferme dans une nouvelle prison. Personne n’avait le droit de diriger sa vie. Il était libre de ses actes.
« Partir est la meilleure chose, ce village ne nous mérite pas. »

Comme ils ne parvenaient pas à dormir, ils passèrent la nuit à ranger leurs affaires. Tous les projets en cours, les meubles qu’Ayel fabriquait… ils allaient devoir laisser ça derrière eux. Quitter l’atelier leur brisait le cœur.
Mais celui-ci n’avait jamais réellement appartenu à Ayel. Comme beaucoup de choses, c’était la propriété du village. Et en préparant tout ça, ils se rendaient compte qu’ils n’avaient pas beaucoup de possessions. Seuls leurs vêtements, leurs bijoux et quelques babioles étaient réellement à eux. Et leurs chats.
C’était difficile de les laisser derrière eux, surtout que Trois-Pattes attendait des chatons.
« On ne peut pas les prendre avec nous, mais je sais que Léo s’en occupera bien. Il les aime énormément. » murmura Ayel, retenant ses larmes derrière un sourire courageux.

Le lendemain matin, la nouvelle s’était déjà répandue comme une trainée de poudre. Qui avait vendu la mèche ? Personne ne pouvait le dire. Mais une chose était sûre… tout le monde savait qu’Ayel et David étaient en couple.
Et chacun avait son propre avis sur le sujet, attendant avec impatience le verdict du jugement. Si autrefois tous s’étaient accordés à lui pardonner l’accident qui était arrivé, ce n’était pas le cas aujourd’hui. L’eau avait coulé sous les ponts. Nombreux étaient ceux à critiquer son choix.
« Il ne fait vraiment jamais rien comme les autres celui-là. »
« Avec son apprenti ? Ce garçon venu d’on ne sait d’où ? »
« David, le fils de Léo ? Tel père, tel fils, des dépravés qui ignorent les lois. »
« Moi qui pensais que David était un garçon plus respectable qu’Elen. »
« Si Ayel a été capable de nous mentir sur sa relation pendant des mois, qui sait s’il ne nous a pas menti sur Mark. »
C’est donc sous les murmures et les regards curieux, souvent hostiles, que David et Ayel traversèrent le village ce matin-là. Les jugements avaient lieu dans la tour de la Caste. Elle se trouvait dans la forêt entre les deux villages. David connaissait déjà ce lieu pour y avoir été intronisé en tant qu’apprenti presque un an plus tôt.
La pièce au sommet de la tour était dédiée aux jugements et aux cérémonies. Le midi, la salle était illuminée par le Soleil, imprégnée de sa magie. C’était à ce moment-là que la dirigeante pouvait parler pour les dieux.
« Tu es banni du village. »
Cette phrase si simple étonna Ayel. Lorsque l’on bannissait quelqu’un, ce n’était pas simplement « du village ». On invoquait toujours les dieux, pour indiquer que ces derniers rejetaient la personne.
Ainsi, le banni ne pouvait plus se prétendre ni abarian, ni maître et perdait la protection des castes. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre de quoi il retournait. Il n’osait pas y croire.

Lorsqu’Ayel descendit de la tour, il souriait.
Sa peine n’était pas aussi lourde qu’il l’avait craint. Lyna s’était montrée plus raisonnable que la veille. Intérieurement, il remerciait les dieux pour leur clémence.
Il n’allait pas recevoir de punition physique pour son bannissement. Pas de tatouage honteux symbolisant à tous qu’il n’était plus qu’un paria. Pas de mutilation pour lui rappeler à jamais sa « faute ».
Toute cette cérémonie ne signifiait rien d’autre que : « Partez très loin et ne revenez jamais. »
Ayel se rendait compte de leur chance : ça signifiait qu’ils pouvaient demander asile à un autre groupe, à condition que ce dernier accepte leur passé. Si la caste de CerfBlanc était très traditionnelle, ce n’était pas le cas partout. Il devait bien exister un village quelque part qui accepterait de les accueillir malgré leur histoire.
Il en était sûr. David et lui pouvaient se reconstruire quelque part, sans avoir à renier ses croyances.


Partie 3 - Le départ.
Les jours qui suivirent le jugement, David et Ayel se préparèrent au départ. La dirigeante leur avait laissé trois jours pour plier bagage et partir. Le temps de récupérer quelques affaires, finir ce qu’ils avaient à faire et de dire au revoir à leurs proches.
Léo s’était absenté pour chercher une chose chez lui, sans donner d’autres informations. David n’avait pas compris, jusqu’au moment où il était revenu avec un sac. Il s’agissait de toutes ses économies, celles qu’il avait mises de côté pendant des années. Ce n’était pas une folle somme, mais pour eux c’était énorme.
« À l’origine, cet argent était destiné à ton frère. Aujourd’hui, tu en as bien plus besoin que lui. »
Tout ce temps, Léo avait travaillé dur et économisé chaque sou. Il repensait souvent au drame qui lui avait arraché la femme qu’il aimait. Si seulement il avait eu de l’argent quand il l’avait rencontré… Ils auraient pu fuir ensemble bien plus tôt, bien avant que les esclavagistes ne détruisent son village.
Cette idée s’était ancrée dans son esprit… il ne voulait pas qu’Elen ait un jour les mêmes regrets que lui. Dans ce but, il avait économisé, encore et encore. C’était presque obsessionnel. Un moyen de se rassurer. Et aujourd’hui, ce n’était pas Elen, mais David qui avait besoin d’aide. Alors si ses quelques économies pouvaient l’épauler, il les lui offrait volontiers.

La veille du départ, Ayel demanda à Luc de lui couper les cheveux. Il ne savait pas trop les raisons qui le poussaient à faire ce choix, mais il en avait ressenti le besoin. Une nouvelle coupe pour une nouvelle vie ? N’était-ce pas ce que l’on faisait pour laisser certains souvenirs derrière soi ?
Il en avait besoin et ces quelques cheveux en moins l’aidaient à se sentir mieux.

Durant les trois jours de préparation, Ayel et David avaient pris le temps de réfléchir aux différentes options qui s’offraient à eux. Ce qu’il était possible ou non de faire, où ils pouvaient se rendre et comment ils prévoyaient de s’en sortir.
Ils avaient finalement décidé de commencer par l’idée la plus simple : se rendre à PierreBrulée, qui était la plus grande cité de la région et la seule du pays autorisant les abarians à vivre en plein jour.
Mais cette autorisation n’était effective qu’uniquement entre ses murs. Les Abarians de PierreBrulée évitaient d’en sortir.
Cette cité, David commençait à bien la connaitre.
Il s’y était rendu une première fois aux côtés d’Öta, quand il cherchait un traducteur pour les lettres de sa mère. La seconde fois, c’était aux côtés d’Ayel. Le jour le plus doux de sa vie, quand il l’avait embrassé pour la première fois.
Ce lieu était sans doute le plus sûr de la région pour un couple de deux hommes aux oreilles pointues et de foi abarianne. Mais fallait-il encore que la caste locale les accepte parmi eux et ce n'était pas assuré. Ils espéraient cependant réussir à les convaincre.

Quand vint le moment de partir, ils se gardèrent de pleurer. Ils ne voulaient pas d’adieux tristes. C’était un au revoir empli d’espoir. Luc et Léo firent promettre aux deux hommes de leur écrire, de leur donner des nouvelles.
« Quand vous serez installés, je viendrai vous rendre visite ! » assura ce dernier.
Ils s’accrochèrent à l’idée qu’ils se reverraient, même si c’était dans un an, deux ans ou même dix ans. Peu importe le temps que ça prendrait. Après tout, ils étaient une famille.

Ce n’était pas la première fois qu’Ayel sortait du village pour se rendre à PierreBrulée. Le chemin entre les deux lieux était assez long, mais peu éprouvant. Le plus difficile était de cacher son visage. Ses tatouages étaient typiques de sa culture. Ce n’était pas bien vu et pouvait poser problème s’ils tombaient sur des nordans.
Ni Ayel ni David n’avait l’intention de se battre ou de se faire insulter en chemin.

Fort heureusement, le trajet se passa sans encombre. En cette période, la ville était beaucoup plus calme que dans leurs souvenirs. Il n’y avait aucune célébration en cours, aucune ne foire.
C’était étrange à voir, car jusque là ils n’étaient venus qu’en période de fête. Certes, les rues étaient toujours animées, mais c’était différent. Plus froid. Les deux hommes prirent une chambre à l’auberge et se mirent en quête de trouver une personne en particulier : Kadh.
Ni Ayel ni David n’avait de connaissances dans la ville en dehors de cette femme. Ils comptaient sur elle pour les aider. Ayel l’avait rencontré à plusieurs reprises lorsqu’elle était l’apprentie de Léo, tandis que David était tombé sur elle quand il cherchait à traduire les lettres de sa mère.
David avait d’ailleurs quelques mauvais souvenirs de cette rencontre. Il ne se rappelait que trop bien de la manière dont elle avait fait boire Öta pour ensuite l’abandonner à son sort en pleine nuit dans la ville.
Les deux hommes finirent par la trouver dans une taverne près du marché. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaitre David. Kadh les invita à rejoindre sa table et boire avec elle, afin qu’ils puissent lui raconter leur histoire. Elle sentait à leur air inquiet qu’ils n’étaient pas en simple visite de courtoisie.
Mais ça ne l’empêcha pas de taquiner Ayel sous le regard affligé de David.


Ah David ! Elle ne l’avait pas revu depuis leur première rencontre et fut surprise d’apprendre qu’il était le fils perdu de Léo. Ce dernier étant son ancien mentor, elle connaissait très bien son histoire tragique et fut heureuse à cette nouvelle.
« Je veux bien vous présenter à Tarek, mais je ne vous promets rien. Il me semble préoccupé en ce moment. »
Ils passèrent la soirée à la Taverne avec Kadh, qui avait promis de faire dès le lendemain une demande d’audience pour eux. Ce qui signifiait qu’il faudrait attendre quelques jours avant de pouvoir rencontrer le dirigeant de la caste. Ils allaient devoir s’armer de patience.
La soirée se passa plutôt bien, hormis les remarques de Kadh, qui hérissaient le poil de David. Ayel avait plus l’habitude que lui et haussait les épaules en souriant. De plus, la jeune femme avait les mains baladeuses et plus d’une fois Ayel avait dû la repousser gentiment.
Avec la soirée Taverne s’était de plus en plus remplie. Ils apprirent qu’elle était fréquentée uniquement par des Abarians et que les autres habitants de la cité l’évitaient comme la peste.
C’était le refuge de bon nombre de personnes après une journée de travail. Ces gens n’avaient pas l’habitude de voir des voyageurs à cette époque de l’année, si bien que David et Ayel furent ensevelis de questions, d’attention, et de verres remplis. Il avait été difficile de refuser de boire alors qu’on leur offrait si gentiment.
Si bien que les deux hommes étaient un peu éméchés en rentrant ce soir-là. Ils dormirent comme des loirs.


En attendant le jour de l’audience, Ayel décida de faire travailler David. Il ne fallait pas qu’il perde la main, son apprentissage était déjà assez chaotique comme ça. En apprenant qu’il allait devoir étudier, David fit la moue. Lui qui pensait profiter un peu de sa liberté pour ne plus rien faire !
Après ça, pour se faire pardonner, Ayel lui laissa choisir le programme de leur journée, ils avaient l’après-midi devant eux après tout. David décida de se venger. Pas de sortie, pas de balade, pas de travail… juste rester dans la chambre, allongé dans son lit à rêvasser.
Ayel regretta vite sa proposition et passa la journée à tenter de lui faire changer d’avis à coups de compliments, de chatouilles et de bisous. Et David profitait bien de la situation :
« Ce n’est pas ainsi que tu me feras changer d’avis ! Mais continue de ramer, j’adore ça. »


Lorsqu’ils étaient arrivés le premier jour, David et Ayel étaient couverts de leurs capes et capuches. Ils avaient remarqué quelques regards insistants, mais n’y avaient pas prêté attention.
Mais voilà plusieurs jours qu’ils étaient en ville et ces regards étaient de plus en plus dérangeants. Ce n’était pas celui d’une personne les jugeant sur leur physique et peuple. Ni même celui d’une personne qui haïssait leur culture.
Non, c’était des regards méfiants. Suspicieux. Comme s’ils craignaient quelque chose. Ils suivaient chacun de leurs gestes tout en se voulant discrets. Pourquoi ?
Ils n’allaient pas tarder à avoir la réponse, car leur entrevue avec le dirigeant de la caste avait lieu le soir même.

Le soir venu, ils purent rencontrer Tarek, le chef des Abarians de la cité. Ce dernier avait le visage sombre, fatigué. Il écouta l’histoire de David et Ayel attentivement, sans poser de question. Quand ils eurent fini, il soupira :
« Pour être franc, j’aurais aimé vous dire oui. Je ne partage pas les convictions de Lyna, sa manière d’honorer nos traditions est trop littérale. Elle ne sait pas adapter nos lois aux différents cas. Mais la situation en ce moment est tendue… »
Depuis quelques mois, la guerre entre le Royaume du Nord et son voisin du Sud s’était intensifiée. Peu en parlaient, mais les Abarians en pâtissaient énormément : le Royaume du Sud était depuis peu sous l’égide d’un roi abarian.
De ce fait, malgré la position favorable de la cité quant à la liberté de religion, la caste de PierreBrulée était sur la corde raide. On les accusait d’être des espions ou des traitres à la solde du Sud. Bien que cachées, les persécutions étaient de plus en plus nombreuses.
Ils ne pouvaient pas se permettre de recruter des personnes qui n’étaient pas originaires de la cité. On les accuserait d’autant plus. Leur objectif pour l’instant était de ne pas se faire remarquer et d’attendre que la situation soit plus stable avant toute chose.
« Dans un ou deux ans, peut-être que ce sera plus simple pour vous accueillir. Mais pour l’instant, je vais vous demander de ne pas rester trop longtemps en ville. »

La réponse fut dure à encaisser pour David et Ayel. Ils avaient espéré jusqu’au bout, pensant sincèrement avoir une chance de refaire leur vie ici. Mais jusque là ils n’étaient pas au courant de l’aggravation de la guerre entre les deux pays, ni même de l’existence d’un nouveau roi du Sud.
Il faut dire que le village de CerfBlanc était petit et exilé, personne n’y passait jamais par hasard… les informations ne se transmettaient pas aussi rapidement que dans une grande cité telle que PierreBrulée.
Ils furent particulièrement inquiets en apprenant la nouvelle, car si ce que disait Tarek était vrai ils allaient devoir faire d’autant plus attention. Ne pas se faire remarquer était plus important que jamais. Plus vital que jamais.
Mais où pouvaient-ils aller ? PierreBrulée était la seule caste de la région à ne pas se cacher. Elle était leur premier choix, le plus avantageux et sécuritaire. Ayel n’en connaissait pas d’autres, il n’avait jamais voyagé plus loin.
Léo leur avait évoqué quelques pistes, des endroits où il avait vécu durant son voyage, mais rien ne garantissait que vingt ans après ces lieux existaient toujours.

Tarek prit le temps de discuter avec eux et de les conseiller. Ils pouvaient évidemment décider de vivre comme de nombreux Abarians sans caste : en voyageant sur les routes et en cherchant des lieux où se poser temporairement. La carrure et l’endurance de leur race étaient un bon atout pour trouver des petits emplois.
Mais avec la guerre, ils avaient plus de chance que d’habitude de subir des violences ou rejets des humains. De plus le climat du Nord n’était pas sans dangers. Nombreux étaient ceux à mourir de froid et de la maladie. Chaque jour supplémentaire sur les routes était une chance de se faire happer par la mort.
Et ne parlons pas de se trouver un petit coin tranquille loin de tout pour se construire quelque chose : c’était beaucoup trop difficile, surtout en cette saison. David était certes très débrouillard, mais il connaissait ses limites. Selon Tarek, ils n’avaient donc pas le choix.
Le plus judicieux était de rejoindre une autre caste. Elle les protégerait et leur apprendrait à se cacher. Mais l’homme n’en connaissait pas beaucoup : la majorité des castes abariannes se gardaient bien de communiquer entre elles. C’était plus sécuritaire pour eux de vivre séparé les uns des autres.
Seules étaient connues celles des grandes cités, comme RocheGlacée et GemmeNoire.
RocheGlacée était le sanctuaire culturel du royaume. Une cité toute au nord, cachée au cœur des montagnes. Cette région était plus hostile et glaciale que les autres, il était facile de s’y cacher et difficile de traquer autrui. Mais il était dur d’y vivre.
La caste avait élu domicile dans des grottes où personne n’allait. Ils déplaçaient leur village régulièrement pour ne pas être retrouvés aisément. Tant que personne ne les voyait, ils étaient tranquilles.
GemmeNoire était quant à elle la capitale, en plein centre du royaume. L’endroit était malfamé, mais personne ne venait faire justice dans les quartiers pauvres. Une aubaine pour les abarians qui s’y étaient installés, vivant parmi les plus basses classes de la cité.
Certes leurs conditions de vie n’étaient pas à envier, mais contrairement à RocheGlacée ils n’avaient pas à se cacher. Tant qu’ils restaient dans la basse-ville, on fermait les yeux sur leur existence.
Certains disaient même qu’ils contrôlaient certains aspects de la cité dans l’ombre, comme le marché noir, et que c’était ce qui leur permettait de se protéger.
Et la position de la caste en elle-même était un grand mystère et restait inconnue. Ils s'étaient si bien fondu dans la ville que personne ne savait où les trouver. Pour leur demander asile, il faudrait réussir à entrer en contact avec eux et ce n'était pas chose aisé.
Mais dans un cas comme dans l’autre, Tarek avait peu de nouvelles d'eux. Il ne savait pas comment trouver celle de RocheGlacée et celle de GemmeNoire était dangereuse.
Que choisir ?

Ayel et David eurent beaucoup de mal à se décider. Les deux cités se trouvant dans des directions opposées, ils devaient choisir rapidement. RocheGlacée plaisait plus à Ayel, dont le côté caché et mystérieux lui rappelait son village : tranquille et loin de l’agitation de la ville.
Mais David n’était pas de cet avis. RocheGlacée était très loin. Il fallait traverser les montagnes, supporter le rude climat, et une fois arrivés dans la cité, trouver la Caste ne serait pas une mince affaire.
David doutait d’être capable d’un tel voyage. GemmeNoire était beaucoup plus accessible. Plus proche, plus facile d’accès, climat plus clément… sans compter que la Caste serait plus aisée à trouver, car elle ne se cachait pas entièrement. Il suffisait d'attirer leur attention.
Et vivre dans la basse-ville ne lui faisait pas peur. Même si avec la guerre, être caché était plus judicieux, une Caste qui vivait en milieu hostile depuis si longtemps ne pouvait qu’être capable de se défendre.
Et finalement, après un long débat, Ayel accepta le choix de David. Il n’était pas vraiment convaincu, mais il avait envie de lui faire confiance.

Ils décidèrent donc de partir pour GemmeNoire, la capitale du Royaume. Tarek, qui s’y était déjà rendu plusieurs fois, leur donna des conseils pour que tout se passe pour le mieux. Il ajouta :
« Je vais demander à notre scribe de rédiger une lettre à l’intention de la Caste. Söl, leur cheffe, est une connaissance qui me doit quelques faveurs. Si elle est toujours aussi intègre qu'autrefois, elle ne vous refusera pas. »
Il offrit également un petit pot à Ayel, en lui expliquant :
« C’est un maquillage que nous nous procurons au marché noir. Il est très rare et cher, mais il camoufle parfaitement les tatouages. C’est un Etris qui nous les vends, un herboriste un peu original mais très doué, vous verrez.
– Vous êtes sûr de vouloir nous en donner un pot ? S’il est cher…
– Certain. Considérez ça comme un cadeau d’excuse de ne pas pouvoir vous accueillir parmi nous. »

Après toute l’aide et le soutien qu’ils avaient reçu, ce fut difficile de partir. Déchirant. S’ils avaient pu, ils auraient vraiment choisi de rester ici. C’est la boule au ventre qu’ils quittèrent PierreBrulée, prenant la route pour la capitale.
Ils ne savaient pas vraiment ce qui les attendait là-bas, mais espéraient pouvoir enfin vivre quelque chose de positif. Avoir un peu de chance et de bonheur, était-ce trop demander ?

Au même instant, la lettre d’Öta parvint enfin au village de Léo. Cette lettre écrite pour s’excuser de son silence et tenter de renouer le contact… Mais malheureusement, David n’était plus là pour la lire.

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