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- 05 - L'apprentissage de David

  • bleuts
  • 30 nov. 2024
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Partie 1 - Se découvrir


Pendant ce temps, David avait commencé son apprentissage auprès d’Ayel, l'ébéniste du village de Cerfblanc qu'il avait pu rencontrer quelques temps auparavant.


Tout se passait très bien. Mieux que dans ses rêves. Le jeune homme s’épanouissait de plus en plus, passionné par tout ce qu’il apprenait.


Il n’était plus un étranger et c'était le plus beau cadeau que l'on pouvait lui faire.



Avant l’arrivée de David, Ayel vivait seul. À la mort de son maitre, deux ans auparavant, il avait hérité de l’atelier et de la maison de ce dernier.


Mais l’endroit était loin d’être vide. Le jeune homme avait deux chats, qui lui tenaient compagnie. Les deux bêtes étaient très craintives, l’un avait une patte en moins et l’autre était borgne.


Il avait hérité de ces bêtes en même temps que de l’atelier. Son maitre recueillait autrefois des animaux blessés pour les soigner. Contrairement aux autres bêtes, ces chats n’avaient jamais quitté la maison.


C’était des créatures victimes de superstitions, la croyance populaire dans le Nord affirmait que ces animaux étaient annonciateurs de malheurs et de désastres.


En plus d’être rares dans le pays, les chats étaient massacrés par les habitants qui en avaient terriblement peur. Les deux compagnons d’Ayel avaient été victimes de ces croyances. Ils étaient pourtant affectueux, doux et calmes, des amours qu’Ayel chérissait.



Dans l’atelier d’Ayel, il y avait une chambre de libre ; celle où le roux avait vécu des années auparavant, lors de son propre apprentissage. David s’y installa.


Il ne pouvait pas rester chez Léo, il n’aimait pas l’idée de dormir dans la chambre de son frère. Depuis le début, il se sentait coupable, ayant l’impression de prendre sa place.


De plus, c’était beaucoup plus simple pour son apprentissage d’être directement sur place, sans avoir à traverser la forêt chaque jour. Léo leur rendait donc régulièrement visite, pour prendre des nouvelles de son fils.



Le rôle d’un maitre abarian n’était pas seulement de transmettre son métier à un apprenti. Il était également chargé de son éducation. Il lui apprenait l’histoire de leur culte, leurs symboles, les mythes et légendes, toutes ces choses qui les réunissaient autour d’une même croyance.


Avant toute chose, David devait rattraper son retard. Ayel lui fit travailler tout ça. Ce n’était pas simple, car le jeune homme avait beaucoup de mal à mémoriser des symboles.


Déjà dans sa jeunesse, Öta avait tenté plus d’une fois de lui apprendre à lire. Mais David faisait un blocage et avait fini par abandonner l’idée, désespéré par ses difficultés. Comme la lecture était normalement réservée à une élite, il n’avait de toute façon que peu de raisons de s’en soucier. La majorité de la population n’était pas lettrée.


Mais Ayel n’avait aucune intention de laisser David s’en tirer aussi facilement, peu importe le temps que ça prendrait. Ce n’était pas important qu’il ne sache pas lire, il devait cependant apprendre les symboles de leur culture s’il voulait pouvoir les reproduire un jour dans son travail.


Avec beaucoup de patience et de pédagogie, il était sûr qu’il pourrait tirer quelque chose de lui.



Ayel avait beaucoup de difficulté à se montrer autoritaire avec David. La proximité de leurs âges ne l’aidait pas à le voir comme un apprenti. Ce n’était pas une situation habituelle et Ayel sentait bien qu’il perdait prise. Il ne parvenait pas à être sérieux.


Ils passaient plus de temps à blaguer entre eux plutôt qu’à nouer une relation maitre/élève.


Après tout, Ayel faisait de son mieux pour que David, qui était très timide et discret, se sente bien chez lui. Il n’arrivait pas à hausser la voix ou à lui donner des ordres, préférant rire avec lui.



S’il y avait bien une chose que David appréciait ici, c’était de regarder Ayel travailler. C’était quelqu’un de passionné par son métier. Ses yeux brillaient lorsqu’on lui posait des questions à ce sujet et il pouvait passer des heures entières enfermé, à travailler sans relâche.


Chaque jour passé à ses côtés, David n’avait qu’une envie : en savoir plus.



Partie 2 - S'apprécier.


Ces derniers temps, David ne portait pas souvent le torque qu’Öta lui avait offert. Le bijou lui rappelait sans cesse son ami, dont la présence lui manquait. Il avait toujours peur de l’abimer ou de le perdre. C’était son trésor, il y tenait comme à la prunelle de ses yeux.


Il savait qu’Öta ne reviendrait pas de sitôt. Ses lettres, bien qu’avares de détails, étaient claires à ce sujet. Mais. Il était patient. Et il avait confiance en son ami.


Il avait tant de choses à faire et à découvrir qu’il n’avait pas le temps d’être triste. Il avait trouvé une famille en Léo, rencontrait de nouvelles personnes, travaillait dur… tous ses espoirs devenaient possibles.


Toute sa vie, la famille d’Öta avait été le centre de son univers. Il n’avait connu qu’eux et les serviteurs de leur domaine. Ce qu’il vivait aujourd’hui dans ce village, c’était comme un rêve dont il ne voulait pas se réveiller.



David s’améliorait de plus en plus. L’apprentissage des symboles et de leur histoire était beaucoup plus facile pour lui que celui de la lecture. Il avait abandonné l’idée de pouvoir lire des livres un jour. Mais ces symboles, ce n’était pas de l’écriture. C’était autre chose, plus poétique.


S’il avait eu du mal au début à tenir une plume ou un pinceau, à les reproduire, maintenant il commençait à y prendre gout.



Un soir, Ayel donna rendez-vous à son meilleur ami, Luc. Il n’arrivait plus à gérer la situation et avait besoin de ses conseils. Tout se bousculait dans sa tête.


Depuis que David vivait chez lui, il ne pouvait plus penser correctement. Il tentait de garder la face, de ne pas rougir et de ne pas montrer son trouble. Mais il était déjà trop tard.


Il était définitivement tombé amoureux.



Luc fut étonné par cette révélation. Ayel avait beau être une personne très douce et sensible, jusqu’aujourd’hui il n’avait jamais évoqué l’idée d’entamer une relation avec qui que ce soit.


Au contraire, Ayel repoussait toujours les avances qu’on lui faisait. Il était bien sorti avec un homme, des années auparavant, mais l’histoire s’était mal finie. Alors, le voir ainsi totalement perdu à cause de ses sentiments, était déroutant.


Luc, qui ne connaissait pas très bien David, espérait juste que ce dernier ne briserait pas le cœur de son ami. Ayel avait déjà souffert une première fois, il ne voulait pas le voir brisé de nouveau.


Parler de ses sentiments et de ce qui le troublait à son meilleur ami soulagea Ayel. Il comptait suivre son conseil et tenter sa chance… mais il n’avait aucune intention de se précipiter. Bientôt, ce serait le Solstice d’été. Ayel espérait pouvoir le fêter avec David.



La cité de PierreBrulée organisait une grande célébration abarianne, tel qu’on n’en avait pas vu depuis des siècles dans le Nord. C’est avec plaisir que David accepta la proposition de se rendre avec Ayel à ce festival.



Il était déjà venu dans cette cité. À l’époque où Öta et lui cherchaient des réponses sur ses origines. Il s’était passé tant de choses depuis ! C’est donc guilleret que David l’évoquât quand Léo vint les voir. Il pensait que son père souhaiterait peut-être prendre part aux festivités.


Mais ce dernier avait une commande importante à honorer, il n’avait pas le loisir de faire une pause.



La cité de PierreBrulée était aussi vivante que dans ses souvenirs. Des échoppes un peu partout, des marchands venus des quatre coins de la région, des lumières dans toute la ville et beaucoup de bruit.


Le village de CerfBlanc, dont la taille était déjà impressionnante, semblait minuscule à côté de la cité flamboyante. David se remémorait de nombreux souvenirs en arpentant les ruelles de la ville. Lors de sa première visite, il avait peur des abarians et beaucoup de préjugés à leur sujet. Il avait craint pour sa sécurité et celle d’Öta.


Aujourd’hui, son regard avait totalement changé.



Ils se baladèrent toute la journée. Ils flânèrent sans but, profitant juste de l’instant présent. Le soir venu, ils assistèrent à un spectacle de feu. Ayel voulait absolument le montrer à David, certain que ça lui plairait.


Et il avait raison.


David fut subjugué. Toute cette musique, tous ces danseurs… et cette magie presque palpable qui s’en échappait. Il n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Ils passèrent une des meilleures soirées de leur vie.



Alors que les dernières animations finissaient, laissant les tavernes emplies et les rues désertes, Ayel inspira.


S’il ne profitait pas de cette occasion maintenant, il savait qu’il le regretterait toute sa vie. L’euphorie du moment lui donnait du courage.


C’est doucement qu’il approcha son visage de celui de David.


« Ce que je vais faire n’est pas raisonnable. Pardonne-moi. »


Il voulait qu’il comprenne. Pour que David ait le temps de le repousser, de lui dire stop. Mais le jeune homme ne bougea pas, le vert profond de ses yeux plongés dans les siens. Les battements de leurs cœurs résonnaient dans la nuit.


Et quand leurs lèvres s’unirent, ils comprirent qu’ils avaient fait le bon choix.



Partie 3 - S'aimer.


Après cela, tout changea. David continuait son apprentissage. Ou du moins, il essayait. Il n’arrivait plus à se concentrer. Depuis qu’il était rentré du festival, il était troublé. Il se questionnait, encore et encore.


Le baiser hantait son esprit. Il ne pensait plus qu’à ça.


Ayel lui avait avoué ses sentiments. Il lui avait confié qu’il voulait entamer une relation sérieuse avec lui. Peu importe que ce soit mal vu par le village ou que ça lui apporte des problèmes, car il était profondément amoureux.


À ces mots, David avait rougi.


Ayel l’attirait plus qu’il ne voulait le montrer, et ce depuis leur première rencontre. Il était attentionné, doux et, il devait bien l’avouer, beau. Il avait tout pour plaire.


Alors que les dernières lumières du festival s’éteignaient, il lui avait répondu en l’embrassant à son tour. David n’arrivait pas à comprendre comment et où il avait trouvé le courage de faire ça.


Mais il ne le regrettait pas. Il avait envie de recommencer.


Ils avaient ensuite passé la nuit à se balader, discutant de tout et de rien pour cacher leur gêne. Mais malgré les jours passés depuis le baiser, David était toujours aussi confus. Il n'avait aucune idée de la bonne façon d'agir.


Il n'avait jamais eu de relation avant et avait peur de tout gâcher avec son inexpérience en amour.



Ayel s’inquiétait. Depuis le festival, ils s’étaient beaucoup rapprochés et passaient beaucoup de temps ensemble. Mais il sentait que David restait distant.


Il savait que David n’était pas une personne très tactile, il l’avait remarqué depuis longtemps. Mais il sentait que ce n’était pas ça. Parfois David se crispait, baissait les yeux et restait silencieux.


Quand ils s’embrassaient, il lui arrivait de donner l’impression d’être mal à l’aise. Ayel commença donc naturellement à se remettre en question.


David regrettait-il de lui avoir laissé une chance ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Quelque chose qui aurait pu lui déplaire ? Ayel avait l’impression de redevenir un adolescent découvrant l’amour, terriblement gauche dans son approche.


Alors il tournait en rond, se demandant comment agir. Comment faire pour qu’il se sente à l’aise.



La vérité, c’est que David se rendait malade, il se tourmentait lui-même en ressassant de sombres pensées encore et encore. Ayel lui plaisait. Plus que de raison.


Il aimait son sourire, son odeur, sa voix, sa douceur. Il n’avait ressenti ça pour personne avant. Pas à ce point. Pas une attirance aussi forte et troublante. Il aimait quand il l’embrassait et se sentait bien auprès de lui.


Mais les souvenirs du passé le hantaient. Il n’était qu’un esclave. Même libéré, cette partie de lui ne pouvait disparaître. Il ne valait rien. Il était un bâtard, un serviteur, un outil. Une bête sans âme, difforme et stupide. Laid.


Ayel se trompait. Il ne pouvait pas l’aimer. Personne ne pouvait aimer « ça ». David était convaincu qu’un jour Ayel s’en rendrait compte et le rejetterait.



Dans le torrent de ses pensées, David n’oubliait pas Öta. Au contraire. Voilà une éternité qu’ils ne s’étaient pas vus, les nouvelles de son ami étaient rares. Avec le temps, la confiance en son retour s’était teintée de doute.


Et si Öta s’était lassé de lui ? Et s’il lui avait promis de revenir uniquement pour le rassurer ? Et s’il avait appris la vérité ? Sur sa mère, sur ce qu’il s’était passé ?


Peut-être qu’Öta ne voulait plus le voir. Peut-être que sa mère l’avait retourné contre lui ? Peut-être même qu’il le dégoutait… Peut-être que…


David se torturait, à imaginer le pire. Mais il ne voulait pas savoir la vérité. Il avait peur. Dans ce flot de doutes et de pensées tristes, il avait doucement commencé à se questionner sur ses sentiments.


Il aimait Öta. C’était une certitude. Mais était-ce de l’amour ? Un amour romantique ? Non. Öta était le centre de sa vie depuis sa plus tendre enfance. Son monde, son univers, tout tournait autour de son ami. Il était dépendant affectivement de lui, il s’accrochait à sa gentillesse pour ne pas sombrer.


Pendant des années, Öta avait été la seule personne à ne pas le traiter comme un esclave. La seule personne à le considérer sans mettre de distance entre eux. Mais maintenant, tout avait changé. David rencontrait de nouvelles personnes, tissait des liens… il commençait à vivre normalement et à découvrir de nouveaux sentiments.


Sa rencontre avec Ayel avait bouleversé encore plus l’équilibre de son cœur.


Avant même que ce dernier ne se confesse à lui, il ressentait des choses qui l’agitaient… d’une manière très différente de tout ce qu’il avait connu avec Öta. Et dans tout ce fatras de sentiments, il commençait à comprendre une chose : il aimait Öta, mais ne voulait pas vivre une histoire d’amour avec lui.


Oui, peut-être l’avait-il souhaité à une époque, mais ce n’était plus le cas maintenant.



David n’allait pas bien, Ayel était loin de l’ignorer. Depuis qu’il vivait sous son toit, avant même qu’il ne se passe quelque chose entre eux, il avait remarqué certains détails chez lui. Des détails qu’un regard attentif ne pouvait manquer.


Sa manière de cacher sa bouche lorsqu’il riait. De baisser les yeux constamment, de s’excuser. David avait peur du conflit, peur de donner son avis.


Ayel avait plusieurs fois tenté de dire des bêtises énormes, mais même à ces moments-là, David lui donnait raison. Toujours. Il avait également des réflexes de fuite quand il s’agissait de contact physique. Au début, il arrivait qu’une simple main sur l’épaule éveille une lueur de panique au fond de ses yeux.


Le fait de pouvoir l’embrasser et l’étreindre était déjà un miracle. Ayel n’était pas dupe. Même s’il essayait de le cacher, David avait probablement vécu une enfance dure.


Il connaissait l’histoire de Léo et de sa bien aimée, ce n’était pas un secret. Même si on n’en parlait pas ouvertement dans le village, car le sujet était sensible. Il savait que Léo avait perdu la trace de David jusque récemment. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que ce dernier avait vécu une enfance d’esclave. Et qu’il en avait honte.


Si son physique n’était pas celui d’un mutilé, son comportement le trahissait. Ce n’était pas quelque chose qui s’effaçait en quelques mois.



Mais malgré toutes ses incertitudes et ses peurs… David était certain d’une chose ; il se sentait bien quand Ayel était près de lui.


Avec le temps, les deux jeunes hommes prendraient leurs marques ensemble.










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