top of page

- 02 - BrancheNoire

  • bleuts
  • 3 déc. 2024
  • 25 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 déc. 2024

Partie 1 - Les herboristes de BrancheNoire


Le voyage d’Öta avait commencé par les différents villages entourant le domaine où David était né. Si Elen cherchait son frère, il avait de grande chance de passer par là. Mais le temps passa, et il ne le trouva pas.


S’il rencontra quelques villageois ayant peut-être vu un jeune homme correspondant à cette description, aucun ne pouvait affirmer qu’il s’agissait bien d’Elen, ni même lui indiquer l’endroit où il se rendait.


Öta avait quelques idées en réserve. Lors de son séjour chez Léo, ce dernier n’avait pas été avare de détails. Il faut dire qu’Öta était très curieux et n’hésitait pas à poser mille questions. À l’époque, il ne se serait jamais douté que sa curiosité maladive lui serait un jour utile.


Du moins, vaguement utile. Il avait l’impression d’avancer sans réel but. Cherchait-il réellement Elen, ou bien était-ce une excuse pour lui, un moyen détourné de tenter de se retrouver soi-même ?



La brume recouvrait la région lorsqu’il arriva au village de BrancheNoire. L’une des villageoises de BrancheNoire lui indiqua qu’un homme de ce nom se trouvait bel et bien dans la région. La rumeur disait qu’il s’était établi dans une forêt non loin d’ici et qu’il y écrivait des livres.


Elen, le frère de David, était scribe. Öta décida de vérifier si cette rumeur était bien fondée.



Le lieu en question était un petit hameau où s’étaient installées plusieurs personnes. Öta douta. Que viendrait faire Elen ici ? Cela ne correspondait pas au peu que Léo lui avait confié sur son caractère.


La forêt était l’une des plus grandes de la région. Néanmoins, Öta n’eut pas de mal à la traverser, car l’endroit était parsemé de sentiers.


On lui avait indiqué qu’il pouvait s’orienter grâce au chêne qui surplombait la forêt. En se dirigeant vers lui, il ne pourrait pas se perdre. De nombreuses légendes florissaient sur cet arbre, alimentant le folklore régional. Le hameau se trouvait à ses pieds. C’est un homme qui lui indiqua la maison du scribe et Öta toqua à sa porte.


Cette scène lui rappela sa rencontre avec Léo. Mais cette fois, David n’était pas avec lui. Cette pensée lui serra le cœur.


Une femme ouvrit la porte. Elle était d’une grande beauté, ses cheveux étaient noirs comme le jais et ses yeux d’un bleu très clair. Lorsqu’elle demanda à Öta la raison de sa visite, ce dernier expliqua immédiatement la situation. Il y avait de l’espoir dans sa voix. Il priait pour que cette piste soit la bonne. Mais lorsque la femme soupira, il comprit qu’il avait fait fausse route. Elle expliqua que son mari se nommait Élan et non Elen.


« Pour les villageois, toute personne sachant écrire est un scribe. Tu ne peux te fier à eux. Il n’est pas l’homme que tu cherches. »



Les épaules d’Öta s’affaissèrent. Cette piste ne l’avait mené à rien. Où devait-il aller maintenant ? Il n’avait pas choisi la quête la plus aisée, mais il comptait s’y tenir. Ce n’était pas la première fois qu’il se trompait. Mais alors qu’il allait repartir, la femme lui proposa d’entrer.


« Il ne va pas tarder à faire nuit et tu as l’air malade. Tu peux dormir dans la grange si tu veux et repartir demain. Mon mari à beaucoup voyagé, peut-être qu’il saura te conseiller. »


Lorsqu’Öta s’étonna de son hospitalité, lui conseillant d’être plus prudente, elle répondit :


« Je te retourne le conseil. Tu devrais te méfier, je pourrais très bien être une ogresse qui attire les jeunes hommes dans son antre pour les faire cuire dans sa marmite. »



La femme était très chaleureuse. Elle proposa à Öta de s’installer en attendant le retour d’Élan, qui ne devrait plus tarder et ils discutèrent pendant ce temps.


Elle s’appelait Alda. Avec son mari ils étaient des guérisseurs et herboristes. Ils s’étaient rencontrés une quinzaine d’années plus tôt et leur passion pour les plantes les avait tout de suite rapprochés.


Lorsqu’Élan arriva, Öta fut surpris. Il s’attendait à rencontrer un Humain ou un Orian… pas du tout à tomber sur un Etris. Mais ses oreilles ne laissaient aucun doute sur ses origines animales. Les Etris étaient une race très rare dans le Nord. En dehors de son propre père, Öta n’en avait jamais vu jusqu’aujourd’hui.



Après l’avoir rapidement examiné, Élan décida qu’Öta devrait rester le temps de se rétablir. Le jeune homme était malade et fatigué, il n’était pas question de le laisser partir dans cet état. Ce fut réchauffé par le feu et l’odeur du potage, au fond d’un fauteuil, qu’Öta s’endormit. Le couple le laissa se reposer là, le couvrant d’une couverture.


« Ce garçon est rongé par la peine, ça me fend le cœur. Son regard est triste…

– C’est cette manie que tu as de vouloir réparer tous les cœurs brisés que tu croises qui fait que je t’aime tant. »



Les jours qui suivirent furent difficiles pour Öta. Il n’avait pas l’habitude de rester inactif, encore moins chez des inconnus. Il voulait aider, servir à quelque chose. Il se sentait mal d’abuser de leur hospitalité.


Mais quand il s’agissait de santé, Élan était aussi têtu qu’une mule. Le jeune homme ne pouvait pas en placer une et fut forcé de se reposer contre sa volonté. Néanmoins, même s’il n’appréciait pas le côté autoritaire d’Élan, Öta se sentait bien ici.


Alda était chaleureuse et maternelle. Elle lui apportait de quoi reprendre des forces et l’écoutait parler avec patience.



Petit à petit, Öta commença à se sentir mieux. C’est en sentant ses forces revenir et la fatigue s’évaporer qu’il se rendit compte à quel point il avait été malade. Pourtant, il savait qu’il ne fallait pas prendre ce genre de choses à la légère. Beaucoup de personnes mourraient tuées par le froid. Sa sœur en était le parfait exemple. À peine née, à peine morte.


Il ne se souvenait pas d’elle, il était trop jeune à l’époque. Mais sa mère lui avait raconté cette histoire de nombreuses fois. Qui sait, peut-être aurait-il rejoint sa mère et sa sœur s’il n’était pas tombé sur Alda et Élan ?


Étrangement, même s’il était soulagé de se sentir mieux, l’idée d’être emporté par la maladie ne l’avait pas dérangé plus que ça.



Quand Öta fut un peu plus en forme, Élan lui fit visiter son atelier. Sa curiosité prit aussitôt le dessus sur la morosité. Tant de choses à voir ! Il posa de nombreuses questions, s’intéressant à tout ce qu’il découvrait.


Élan fut étonné. Öta était loin d’être ignorant. Il était bien plus cultivé qu’il ne l’avait laissé paraitre. Il connaissait les noms et symboliques de la plupart des plantes de son atelier, ainsi que leurs effets. Il posa des questions précises qui interloquèrent l’herboriste.


Quand ce dernier s’en étonna, Öta lui expliqua qu’il avait eu des leçons à ce sujet dans sa jeunesse. Ses parents lui avaient fait suivre de nombreux cours dans des matières très variées, dépensant une fortune auprès des meilleurs précepteurs.


Si Öta n’avait jamais été un élève très attentif, préférant jouer à la plupart des leçons, il y avait tout de même quelques sujets qui l’avaient passionné. Dont celui-ci.



Lorsqu’Élan lui proposa de le former, Öta ne sut pas quoi répondre. On lui avait toujours répété qu’il était un peu bête et qu’il n’avait aucun talent. Dans son dos, nombreux étaient ceux à se moquer de lui, à affirmer qu’il ne ferait jamais rien d’utile dans sa vie. Qu’il était stupide...


À force, il avait fini par se persuader qu’ils avaient raison. Qu’il ne valait rien. Alors, voir l’homme s’extasier et le complimenter le troubla.


« Ce serait du gâchis de ne pas exploiter ces connaissances ! »



Öta ne répondit pas immédiatement à la proposition d’Élan. Il prit le temps de réfléchir. Que devait-il faire ? Accepter ? Refuser ? Il n’en avait aucune idée. Il n’avait pas vécu assez longtemps sous le toit du couple pour pouvoir affirmer les connaitre. Mais il s’était attaché à eux. L’idée de rester était séduisante.


Leur maison était chaleureuse et confortable. Elle lui rappelait le foyer de son enfance, celui qui aujourd’hui était devenu froid, empestant la mort et le désespoir.


Ici, il se sentait bien.


Mais il s’était juré de retrouver Elen. Il avait passé tant de temps de sur les routes à le chercher, encore et encore, qu’il n’arrivait pas à s’imaginer faire autre chose. Il avait suivi toutes les pistes de Léo, en vain. Le jeune homme s’était comme volatilisé dans la nature.

Combien de temps ça lui prendrait de le retrouver ? Il avait été si optimiste… Il se rendait compte maintenant qu’il n’était pas le héros d’un roman. Son chemin n’était pas tout tracé. Allait-il poursuivre cette quête toute sa vie ? En valait-ce la peine ?


Avait-il le droit de rebrousser chemin ?

Il commençait à douter.


Quand il se confia à Alda, elle lui répondit :


« L’important n’est pas ce que tu dois faire, mais ce que tu souhaites vraiment. »


Ce qu’il souhaitait vraiment ? Il mourrait d’envie de revoir David. D’entendre sa voix. De le serrer dans ses bras. Mais chaque fois qu’il pensait à lui, c’est son cœur qui se serrait.


Il mourrait d’envie de dire oui à Élan. D’apprendre. De trouver sa voie. De pouvoir faire quelque chose de sa vie, quelque chose d’utile. Et si l’homme avait raison ? Il avait des connaissances. S’il apprenait à s’en servir, il pourrait sans doute aider les gens autour de lui.


Apporter son soutien, être à l’écoute, soigner les gens… tout comme Élan et Alda l’avaient fait avec lui.



Finalement, Öta décida de tenter sa chance. Il savait qu’autrement il regretterait toute sa vie son choix. Le couple avait tant de choses à lui apprendre, c’était l’occasion rêvée. Il écrivit une lettre à David, pour lui raconter. Il évita encore une fois de parler d’Elen et des recherches, s’empêtrant un peu plus dans les non-dits.



Comme Élan avait encore beaucoup de travail et de commandes à honorer, il ne pouvait pas s’occuper d’Öta immédiatement. Il lui laissa l’accès à ses livres, afin qu’Öta puisse les étudier en attendant. Il y avait toute sorte de grimoires, carnets de recherches, vieux livres, herbiers, etc. Un vrai trésor.


Évidemment, Öta se jeta sur les ouvrages. Il y en avait de toute sorte et tous n’étaient pas dédiés aux plantes. Il y avait aussi des livres de contes, des histoires qu’Élan avait retranscrites et illustrées. Des carnets qui parlaient de ses voyages ; certains étant parfois très détaillés, d’autres parfois très vagues.



Öta savait qu’il aurait dû se plonger immédiatement dans les ouvrages traitants des herbes, de la médecine, etc., mais sa curiosité et son attrait pour les légendes étaient bien trop forts.


En lisant ces livres, il repensa à David. Ça lui manquait de lui faire la lecture, posée contre lui. Il se remémorait sa chaleur, son souffle, sa voix… David aurait sans aucun doute adoré ces histoires. Öta espérait les lui raconter lorsqu’ils se reverraient.



Partie 2 - La rencontre des herboristes



Ce soir là, alors qu’Élan était enfermé dans son atelier, Alda vint voir Öta. Contrairement à son mari, elle n’était pas d’humeur à travailler. Surtout que lorsqu’il s’agissait de travaux importants, il ne valait mieux ne pas le déranger. Elle préférait s’abstenir de réveiller le démon.


Öta était installé confortablement, une pile de livres à ses pieds. Il lisait un carnet qu’elle reconnut immédiatement :


« C’est celui qu’Élan écrivait quand nous nous sommes rencontrés ! Que de souvenirs... »


Intrigué, Öta ferma le livre et lui demanda de lui parler de leur rencontre. Une histoire d’amour, voilà ce qu’il avait envie d’écouter.



Alda était originaire de MerGrise, une cité modeste connue pour son grand port. Ses parents étaient de riches marchands ayant fait fortune en important des épices du Pays de l’Est. Ces dernières étaient rares et très prisées à la capitale.


À l’époque, la richesse de sa famille attirait de nombreux prétendants. Son père souhaitait qu’elle épouse un noble. Mais Alda n’y prêtait pas attention. Elle passait la majeure partie de son temps libre dans le jardin, à faire pousser des plantes et à lire des livres.


Ses parents se rendaient tous les ans à la foire annuelle de GemmeNoire, la capitale. Habituellement, Alda les aidait et travaillait dur toute la journée.



Mais ce jour-là, elle demanda la permission de se balader. Ses parents avaient entièrement confiance en elle, la jeune femme ayant démontré plus d’une fois son sérieux. Ils l’autorisèrent à profiter un peu de l’événement.


Alda avait une autre idée en tête. Elle avait entendu parler de la grande bibliothèque de GemmeNoire et rêvait de la voir de ses propres yeux.


Elle avait entendu parler de la grande bibliothèque de GemmeNoire et rêvait de la voir de ses propres yeux. Alda trouva facilement la grande bibliothèque. Le bâtiment surplombait tous les autres, aussi imposant qu’attirant.


Malheureusement, elle ne put y entrer. La jeune femme n’avait pas pensé à l’évidence : le lieu n’était pas accessible à tous. Elle n’avait ni titre de noblesse ni autorisation spéciale. Aucun document, rien. Elle eut beau demander, le passage ne lui fut pas accordé.


C’est déçue, les larmes aux yeux, qu’elle fit demi-tour pour retourner au marché. Elle s’en voulait d’avoir été aussi naïve et d’avoir espéré tout ce temps. Elle contournait le bâtiment lorsqu’un homme l’interpella.



Cet homme, c’était Élan. Il avait assisté à toute la scène et héla la jeune femme. Quand il lui proposa de la faire entrer en douce, elle hésita. Et si c’était un piège ? Et si cet homme décidait de la détrousser ou de la tuer ? La cité de GemmeNoire était connue pour être le repère des pires crapules…


Mais malgré son air de filou, Alda n’avait pas peur du jeune homme. Et surtout, elle était bien trop curieuse. Si elle avait un moyen d’entrer dans la bibliothèque, elle n’allait pas s’en priver !

Élan lui raconta qu’il s’y rendait tous les jours. Il écrivait un livre sur les créatures des bois et recherchait des légendes qui y étaient associées. Alda fut étonnée qu’il sache lire et écrire, l’homme n’avait pas du tout l’aspect d’un érudit.


Il expliqua qu’il avait fabriqué de faux documents officiels pour entrer. Il s’était fait passer pour le frère de l’émissaire de l’Est qui comme lui était un Etris, un homme ayant des attributs animaux.


« Et le pire c’est qu’ils m’ont cru quand je leur ai débité mon baratin, ces cons ! »


À force de venir et d’y passer toutes ses journées, il avait fini par repérer divers passages. Au cas où sa combine ne marche plus, il espérait ainsi pouvoir s’y faufiler de nuit pour finir ses lectures et voler quelques livres.


Il proposa à Alda de la faire passer par l’un de ces chemins.


L’entrée était cachée par des buissons dans l’arrière-cour, elle n’était pas gardée et la porte facile à crocheter. Le bâtiment étant fermé aux visiteurs la nuit, ils avaient peu de chance d’y croiser quelqu’un.


« Rendez-vous ce soir et tu n’oublies pas l’argent ! Sans acompte, j’te montre rien. »



Quand le soir fut venu, Alda se faufila en douce hors de la maison. Après avoir pris de quoi payer le filou, elle attrapa une cape et le couteau de son père, afin de se protéger. Élan l’attendait au point de rendez-vous. Comme prévu, il la fit entrer dans la bibliothèque.


Elle n’avait jamais vu autant de livres… des étagères partout, remplies à craquer d’ouvrages de toutes sortes !


On voyait bien que le lieu était peu entretenu, certains endroits étaient recouverts de couche de poussière et de saleté, mais Alda n’y prêta aucune attention.


Elle aurait souhaité passer sa vie entière ici, à lire encore et encore. Elle, qui devait batailler pour obtenir des livres et informations sur ses sujets favoris, s’imaginait déjà découvrir un nouveau monde.


« Ce n’est pas que je veux te presser, mais la nuit est courte. Tu devrais choisir maintenant les livres que tu vas emprunter. »



Le jeune homme avait raison. Elle n’avait pas le loisir de se poser pour dévorer tous ces trésors. Même si ça ne l’enchantait guère, elle allait devoir dérober des ouvrages. Elle se fit la promesse de les rendre dès que possible. Elle n’était pas une voleuse, n’est-ce pas ?


Il y avait beaucoup de rayons et l’obscurité ambiante n’aidait pas la jeune femme à s’y retrouver. Elle demanda à Élan s’il savait où était le rayon consacré à l’herboristerie et aux plantes.


Elle voyant sa mine étonnée, elle se justifia en expliquant qu’elle aurait aimé devenir herboriste. Si elle avait eu la chance de pouvoir choisir son avenir.


« Sacrée coïncidence ! C’était le métier de mes parents, c’est un domaine que je connais par cœur. Je peux même te conseiller des ouvrages que j’ai repérés. »



Alda ne laissa pas passer cette occasion. Depuis toute petite, elle devait se débrouiller seule pour en apprendre plus sur ce sujet. Et voilà qu’un homme possédant toutes les connaissances de ses rêves apparaissait ? Elle n’allait pas le laisser repartir comme ça. Oh non !


Elle ne pouvait pas lui demander de l’instruire dans l’immédiat, car elle se doutait de son refus. Alda lui proposa donc quelque chose dans ses cordes : la retrouver les nuits suivantes pour retourner dans la bibliothèque.


Elle allait de nouveau devoir dérober de l’argent à ses parents pour payer ses sorties nocturnes, mais le jeu en valait la chandelle. Elle en profiterait pour glaner des informations et se mettre le jeune homme dans la poche.


Et quand il accepta, elle comprit qu’elle avait gagné. Le sourire d’une femme, voilà qui marchait à tous les coups ! C’est ainsi que tout naturellement, ils commencèrent à se retrouver régulièrement.



Une fois la foire terminée, Alda resta à la capitale. Elle convainquit ses parents de la laisser là un temps, dans leur maison secondaire.


Et les semaines passèrent. Une amitié se forma entre Élan et elle, puis quelque chose d’autre. Il n’était plus question d’argent, de larcins ou de connaissances. Ils furent pris à leur propre jeu. Et ce n’était pas pour leur déplaire.


Élan et Alda se donnèrent l’un à l’autre, sans se soucier des conséquences de leurs actes. Ils se retrouvaient régulièrement, s’aimant un peu plus chaque jour.



Mais la réalité les percuta de plein fouet. Alda tomba enceinte.


Alda était éclaiste, la religion principale du Nord. Selon ses croyances, elle ne pouvait pas avorter. Elle avait craint qu’Élan la rejette en l’apprenant. Ils avaient beau s’aimer, Élan restait un garçon au fort caractère, attaché à sa liberté.


Mais le jeune homme la rassura. Il respectait son choix. Il était décidé à assumer cet enfant, peu importe les défis.


Du côté de ses parents, ce ne fut pas la même chose. Alda cacha le plus longtemps possible son état, mais son ventre qui devenait chaque jour plus rond ne l’aida pas. Lorsqu’ils apprirent la vérité, ce furent des cris et beaucoup de violence qui s’installèrent dans la maison. La mère de Alda tentait de tempérer, déçue du comportement de sa fille, mais néanmoins prête à la soutenir.


Mais son père fut intraitable. Les projets d’avenir qu’il avait pour elle étaient brisés. Il était impossible maintenant pour sa fille de trouver un parti convenable. La réputation de leur famille allait en pâtir.


S’acoquiner avec un roturier, non humain, étranger de surcroit ? Une honte ! Il prononça alors des mots que jamais Alda ne pourrait oublier.


« Va-t’en. Je ne veux pas d’une catin sous mon toit. Tu n’es plus ma fille. »


Alda fut forcée de partir. La vérité, c’est qu’elle n’était pas particulièrement triste de la situation. Elle n’avait pas envie de couper les ponts avec sa mère, car elle l’aimait beaucoup. Mais quant à son père… L’homme était violent, dur et exigeant. Il avait planifié toute sa vie de A à Z. Alda n’avait jamais eu l’intention de suivre ses ordres éternellement.


Avant même de rencontrer Élan, elle s’imaginait s’enfuir pour éviter un mariage arrangé. Elle rêvait de fonder un vrai foyer, basé sur l’amour. La brutalité de son père avait toujours terrorisé Alda et sa mère. La peur l’avait forcée à devenir comme il le souhaitait, une jeune femme délicate et douce qui s’écrasait devant les hommes.


Alda avait au fond d’elle un fort caractère. C’est cette personnalité un peu sauvage qu’Élan avait décelée en elle et qui l’avait attiré. La jeune femme se sentait bien avec lui, elle n’avait plus à cacher ses émotions, sa colère, ses idées.



Ainsi, elle s’installa chez lui. Elle avait déjà une fois vu l’endroit quelques semaines auparavant. Il lui avait montré ses dessins et ses travaux. Il vivait dans la basse-ville, le quartier le plus pauvre et dangereux de la capitale. Il n’avait qu’une pièce, mal isolée et humide. Pas de vrai mobilier, hormis une paillasse au sol qu’il laissa à Alda.


Mais le lieu ne faisait pas vide pour autant. Des dizaines de livres étaient éparpillés un peu partout, ainsi que des dessins, des croquis, du matériel… Il s’était fabriqué un bureau de fortune avec des caisses, afin de pouvoir travailler de manière plus confortable.


Élan n’était pas riche. Mais il avait de l’argent de côté. Depuis qu’il vivait ici, il économisait pour pouvoir rentrer chez lui une fois ses recherches terminées. Les bateaux pour l’Est coutaient une fortune. Son pays natal lui manquait énormément, ainsi que sa famille.


Mais aujourd’hui, Alda était sa famille. Elle attendait son bébé ! Il dépensa cet argent pour lui acheter une couverture, des vêtements chauds et de la nourriture. Il n’était pas question que la femme qu’il aimait souffre du froid et de la faim par sa faute.


Et Élan n’avait plus besoin de rentrer dans l’Est, car il avait maintenant un foyer à construire ici.




Les mois qui suivirent, Élan fut aux petits soins. Attentionné et à l’écoute, il fit tout pour que Alda vive bien sa grossesse. Il trouva un travail, afin de subvenir aux besoins de sa nouvelle famille. Suivant les conseils de sa compagne, il laissa de côté les arnaques et coups fourrés pour se centrer sur l’herboristerie.


« Tu n’as jamais songé à en faire ton métier ? Quand on possède ce type de connaissances, c’est important d’en faire profiter autrui. »


Ces mots, prononcés par celle qu’il aimait, le convainquirent de tenter sa chance. Il trouva un emploi d’assistant dans une herboristerie de l’autre côté de la ville. C’était étrange et nouveau pour lui. Même s’il s’y connaissait pas mal en la matière, il n’avait jamais envisagé suivre les traces de ses parents. Le flambeau avait été repris par sa grande sœur.


Dans son village natal, Élan était connu pour être toujours dans les nuages, passionné de contes et de légendes. C’est dans l’optique d’en apprendre plus sur le folklore des autres pays qu’il avait entamé son voyage.


Voyage qui lui fit oublier ses valeurs. Le Nord était un pays plus brutal et dangereux que l’Est. Les rêveurs n’y avaient pas leur place. Pour s’en sortir, il a dû recourir à des méthodes peu glorieuses.


Et il s’était rendu compte qu’il aimait ça. Si Alda se cachait derrière un masque d’innocence et de délicatesse pour se protéger… Élan se cachait derrière un masque de ruse et de fourberie. C’était devenu une grande part de leur personnalité, quelque chose qu’ils ne pouvaient pas oublier. Mais lorsqu’ils étaient ensemble, ces masques tombaient.


Leur couple était donc parfaitement en harmonie quand leur enfant vint au monde.



Ce fut une petite fille du nom de Jol qui naquit ce jour-là. Jol était un prénom d’origine estane, qui se prononçait à Yol. Élan avait toujours souhaité appeler sa future fille ainsi, en l’honneur d’une légende qu’il appréciait. Il était courant chez les Estans de donnée des noms de personnages à leurs enfants.


Dans le conte, Jol était une petite sorcière qui vivait dans la forêt. Les jours de solstice, il était possible de l’invoquer pour lui demander d’exaucer un souhait.


Si les intentions étaient nobles, alors le vœu se réalisait. Mais si le but était de nuire, alors la personne se transformait en champignon.


C’est ainsi que la fille d’Élan et Alda commença à insulter tous ceux qui l’embêtaient de vilains champignons.



Alda et Élan se marièrent quelques années après la naissance de la petite. Tandis qu’Élan continuait de travailler comme assistant dans l’herboristerie, Alda étudia auprès d’un guérisseur que lui avait présenté Élan.


Le temps passa. Ils travaillèrent dur, économisèrent et quittèrent la cité pour s’installer dans un endroit plus propice pour élever leur fille. Jol put découvrir la vie en plein air, loin des murs de GemmeNoire. Elle adorait la forêt, les animaux… elle pouvait courir partout, tomber dans la boue, rire !


Ses parents la surveillaient attentivement de crainte qu’elle ne se blesse, mais la voir s’épanouir ainsi les convainquit qu’ils avaient fait le bon choix. Ce ne fut pourtant pas facile pour eux, d’abandonner leur travail et leur vie dans la cité.


Ils montèrent néanmoins leur affaire sur place et se firent rapidement des clients dans les villages alentour. Dans le Nord, l’étude des plantes et leur utilisation étaient assimilées aux femmes, si bien que ce fut le nom de Alda qui se fit connaitre.


Les premières années Elan se chargea de l’éducation de la petite, tandis que Alda travaillait. Elle adorait ça. Ayant un peu plus de connaissances qu’elle dans le domaine, il l’aidait quand elle doutait et la conseillait.



Quand le père de Alda décéda, sa mère l’invita à venir lui rendre visite. Les deux femmes n’avaient jamais vraiment perdu le contact, s’envoyant quelques lettres. Mais à l’époque où Alda était tombée enceinte, tout était plus compliqué.


Sa mère avait eu peur d’agir, car son mari la violentait. Elle était terrifiée à l’idée de ce qu’il pouvait lui faire subir si elle se dressait contre lui. Alda ne lui en avait jamais voulu, car elle connaissait la gravité de la situation. C’est donc avec plaisir qu’elle accepta son invitation.

La mort de son époux, la femme s’était installée dans la résidence de GemmeNoire afin de pouvoir voir sa fille plus facilement.


Le village où Alda et Elan avaient construit leur vie n’était pas trop loin de la capitale, car ils commerçaient beaucoup avec des marchands du coin. Jol, qui était présente à ces retrouvailles, aima tout de suite sa grand-mère. Elle tissa un lien fort avec elle.


La petite fille demanda à venir la voir de plus en plus souvent, accompagnant son père lors de ses visites régulières.


Parfois, elle restait même plusieurs semaines là-bas, au grand plaisir de sa grand-mère. Celle-ci avait décidé de rattraper le temps perdu.



C’est le sourire aux lèvres qu’Öta écouta toute l’histoire.


Alda avait quelques talents pour conter, rendant le récit doux et magique. Il les imaginait parfaitement, tentant de vivre de leur amour malgré les difficultés de la vie. Élan, qui lui avait semblé autoritaire et un peu intimidant, lui apparaissait sous un autre jour.


Cette histoire ne lui donna que plus envie de devenir le disciple du couple. Dès le lendemain, il se donnerait à fond pour ne pas les décevoir !


Dès le lendemain, il se donnerait à fond pour ne pas les décevoir !



Partie 3 - La magie des Plantes


Dans la forêt de BrancheNoire, Öta avait également commencé son apprentissage. Élan était exigeant et strict, surveillant de très près les progrès du jeune homme et n'hésitant pas à le rabrouer à la moindre erreur. Öta ne s'en formalisait pas.


Cette franchise un peu rude, c'était exactement ce dont il avait besoin pour avancer. En acceptant de suivre l'enseignement d’Élan, Öta était certain d'avoir fait le bon choix.



Mais il ne pouvait pas s'empêcher de s'en vouloir. Il s'en voulait de ne pas respecter sa promesse à David, celle de ne pas rentrer auprès de lui au plus vite. Il s'en voulait d'avoir mis la recherche d’Elen de côté, pour se centrer sur lui-même. Il s'en voulait de cacher la vérité à David, de lui faire croire des mensonges.


Et tout ça, bien qu'il le gardait pour lui, continuait de le ronger à petit feu.



Élan était loin d'être herboriste et commerçant traditionnel. Il s'éloignait énormément des sentiers battus. Öta ne comptait plus le nombre d'astuces louches qu'il avait essayé de lui apprendre.


Mais cette fois, c'était différent. Élan souhaitait apprendre la Magie à Öta.


C'était un art interdit dans le Royaume du Nord. Un mot que l'on évitait d'employer par crainte, car les lois étaient intransigeantes. Il n'était pas bon d'être mage dans cette contrée glaciale.


Pour quelle raison ? Les humains utilisaient la Magie blanche, une technique qui tirait sa force des rayons du soleil.


Leurs légendes racontaient qu'autrefois, les hommes abusaient d'elle. Son utilisation intensive, sans respect de la nature et de l'harmonie, avait fini par faire perdre sa chaleur aux rayons de l'astre. Depuis, le pays était plongé dans un hiver éternel, victime de la folie des hommes. Son climat particulier venait de là.


Mais Élan n'était pas né ici. Dans le pays de l'Est, la magie était une part de la nature. Il avait grandi avec et n'avait jamais pu abandonner son passé. La magie était l'une des dernières choses qui le liaient à son pays d'origine. Il y tenait plus que tout et avait envie de transmettre ça à Öta.


Après tout, le jeune homme était un Etris. Il avait le droit de connaitre la culture de son peuple. Et il faut bien avouer qu’Élan n'aimait pas forcément respecter les lois.



Öta savait qu'il avait la magie dans le sang. Lorsque son père vivait encore dans le Pays de l'Est, il la pratiquait. Mais c'était bien avant la naissance d’Öta. Le jeune homme n'avait jamais eu l'occasion de tenter sa chance.


Dans son enfance, il avait parfois tenté de questionner Ëten. Mais chaque fois, ce dernier grondait et mettait fin à la discussion, la peur brillant dans ses yeux. Öta n'avait aucune idée des raisons qui poussaient son père à craindre à ce point la magie. Pour qu'il réagisse ainsi, quelque chose de grave avait dû lui arriver autrefois. Mais quoi ?


Öta avait toujours regretté de ne pas en savoir plus sur ce sujet. C'est donc naturellement qu'il sauta sur l'occasion ! Même s'il n'était pas forcément rassuré.


Si les humains utilisaient la Magie blanche, un pouvoir qui puisait dans la lumière des rayons du Soleil, les Etris avaient une tout autre magie dans le sang.


C'était une pratique méconnue dans le Royaume du Nord, car peu d'Etris y vivaient. Les relations entre l'Est et le Nord avaient toujours été inégales, les deux royaumes n’échangeant que depuis peu leur savoir et leurs habitants.


Élan n'avait donc aucune connaissance en Magie Blanche, ni même aucune aptitude. Ce qu'il maitrisait c'était la Magie élémentaire. Elle se basait sur les énergies de la nature et de la vie.


Les mages élémentaires utilisaient leur propre force vitale comme source de pouvoir, ce qui rendait cette pratique plus ardue que les autres à apprendre. Épuisante, elle pouvait devenir dangereuse lorsqu'elle était prise à la légère. Nombreux étaient les mages trop gourmands à avoir été dévorés par la puissance de leur élément, transformé en arbre, brulé vif, liquéfié voir évaporé.


Car la race etris était très liée aux totems. En plus d'un Animal-Totem, ils avaient tous un Élément-Totem. Avec le temps, Élan avait appris à en maitriser deux. L'eau et la Terre.


Ces éléments étaient la source de sa magie. Si Élan était aussi motivé à enseigner cette magie à Öta, ce n'était pas pour rien. Il avait une certitude : le jeune homme partageait le même Élément-Totem que lui.


La Terre.


Il pouvait le sentir, comme un lien qui les unissait. Les mages qui partageaient le même élément étaient tous liés par un fil invisible et pouvaient se reconnaitre. Chez Öta, c'était presque imperceptible, car le jeune homme n'avait jamais pratiqué ni même été en contact direct avec la magie.


Mais c'était bien là.


Ce n'était pas pour rien qu’Öta avait développé un intérêt pour les plantes et leurs effets dans sa jeunesse. Sa magie l'attirait vers elles.



La Magie de la Terre ne permettait pas de créer de la matière à partir de rien. Elle consistait plutôt à l'influencer, en lui insufflant son énergie.


La première pousse qui naquit de la magie d’Öta le rendit très fier. Il avait encore du mal à croire qu'il avait fait ça. C'était épuisant, mais si gratifiant !


Élan lui expliqua qu'une fois qu'il maitriserait ce don, avec beaucoup de patience il pourrait soigner des plantes malades, les faire pousser sous n'importe quel climat, accentuer certains effets dans les potions et de nombreuses autres astuces bien utiles pour un herboriste !



Öta devait maintenant apprendre à sentir et canaliser son énergie, afin de pouvoir la doser facilement et éviter tout risque pour sa santé. Pour ça, Élan lui donna un exercice bien précis.


Manipuler la Terre n'incluait pas que les plantes, mais aussi les matières minérales comme les cristaux. Il ne pouvait évidemment pas créer de pierres à partir de rien et changer leur forme était totalement au-dessus de son niveau.


Mais les cristaux adsorbaient la magie plus facilement qu'une plante et en demandaient beaucoup moins. En s'entrainant dessus, Öta apprendrait à sentir son énergie sans autre risque qu'une grosse fatigue.


Autrefois dans le Pays de l'Est, on utilisait les cristaux pour leurs faibles pouvoirs de guérison. Certains pouvaient apaiser le cœur, d'autres soigner certains maux... mais ce n'était pas des pouvoirs très forts, si bien que cette pratique avait fini par tomber en désuétude.


Au cours de ses expériences, Élan s'était aperçu qu'en abreuvant ces cristaux de magie de la bonne manière, on pouvait en faire des talismans de guérison très efficaces.



Pour la première fois de sa vie, Öta était vraiment doué dans un domaine. Il avait rapidement compris et assimilé les conseils d’Élan, réussissant ses exercices avec brio. L'idée d'avoir un talent spécial le motivait plus que tout à travailler dur.


Mais Élan n'était pas né de la dernière pluie. Öta pouvait l'aider à avancer dans ses commandes et donc lui rapporter beaucoup d'argent.


Si la magie était interdite, le commerce d'objet magique l'était également. Élan avait la chance d'avoir trouvé un filon avec ces talismans, car ce n'était pas une pratique connue. Il était pour l'instant à l'abri de tout soupçon. La vente de gemmes n'était pas surveillée, car les nordans ignoraient leurs propriétés magiques.


Mais ses années d’escroqueries et de vadrouille à la capitale n'avaient pas été vaines. Élan avait noué de nombreux contacts avec le marché noir et la contrebande. Il vendait les talismans à ses contacts, qui s'occupaient de la revente au marché noir.


Le côté exotique et mystique de ces objets, en plus de leurs pouvoirs de guérison, les rendait très populaires auprès de leurs clients.



Alda ne participait pas à l'apprentissage d’Öta. Elle était souvent absente ces derniers temps, pour gérer quelques commandes et affaires personnelles. Mais elle connaissait bien son mari et se doutait qu'il profiterait de l'occasion pour demander au jeune homme de faire ses sales besognes.


Quand elle avait le temps, elle n'hésitait pas à rappeler à Öta qu'il ne devait pas se laisser faire. Il devait apprendre la différence entre apprentissage et travail abusif.


Mais Öta était si gentil et heureux d'être là qu'il n'osait jamais dire non.



Partie 4 - La magie des Feuilles


Élan laissait souvent Öta en autonomie, car le garçon apprenait mieux ainsi. Il lui avait cependant expliqué plus d'une fois qu'il ne devait pas abuser des exercices de magie, car ce n'était pas bon pour son corps.


Mais Öta voulait tant apprendre, tant se montrer digne de la chance qu'on lui donnait, qu'il se forçait toujours à aller plus loin. À en faire plus. Et forcément il commença à en ressentir les effets. Ses poignets étaient douloureux et engourdis. Il décida de ne rien dire.


Il voulait rendre Élan et Alda fiers de lui, pas les inquiéter.



Quand les douleurs commencèrent, Öta fit attention à ne plus dépasser la limite. Mais il était déjà trop tard. Le contrecoup se manifestait... une petite feuille lui poussait sur le bras.


Il avait lu dans un des carnets d’Élan que, traité rapidement, que ce genre de chose n'était pas grave et qu'il était possible de la retirer sans danger. Mais Öta ne fit rien. Il n'en parla à personne et laissa la petite feuille pousser. Étrangement, elle le fascinait plus qu'elle ne l'effrayait.



Au bout de quelques jours, les feuilles commencèrent à se multiplier. Les sentir pousser n'était pas une sensation douloureuse, mais plutôt étrange.


Öta faisait très attention à ne pas les abimer. Heureusement, pour une raison inconnue, elles ne craignaient pas d'être cachées sous du tissu. Elles ne s'asséchaient pas et ne se détérioraient pas comme des plantes normales.


Au fond de son cœur, Öta était persuadé qu'elles n'étaient pas dangereuses.



Alda n'était pas dupe, elle se rendit rapidement compte qu’Öta cachait quelque chose. Il n'était pas très doué pour cacher ses émotions, son trouble était évident. Elle le surveilla attentivement et fini par découvrir son état, le surprenant alors qu'il pensait être seul.


Alda avait déjà vu les effets de la magie sur Élan et comprit tout de suite ce qui n'allait pas. Les feuilles sur les bras du garçon étaient plus qu'inquiétantes. Jamais elle n'avait vu ça auparavant.


Mais elle n'avait aucune idée de comment les guérir, ni de leur effet à long terme. C'était du ressort d’Élan, pas du sien. La jeune femme n'avait jamais pratiqué la moindre magie ni même soigné ce type d'infection.



Malgré les conseils de Alda, Öta refusait de dire la vérité à Élan. Il l'admirait, plus qu'il n'avait jamais admiré personne. Élan était son modèle. Il se rattachait à l'idée de lui ressembler un jour, d'être aussi fort, intelligent, sûr de lui.


Il ne voulait pas voir la déception dans son regard.


Devant son silence, Alda n'eut pas d'autre choix que de dévoiler tout à son époux. Elle ne pouvait pas accepter de laisser Öta détruire sa santé.



Évidemment, Élan fut déçu et en colère. Après avoir longuement réprimandé Öta, il se pencha sur son cas. Mais il ne s'attendait pas à ça. Ces feuilles qui poussaient sur son bras n'étaient pas normales. Elles ne pouvaient pas être le contrecoup de la magie.


Normalement, les symptômes auraient dû apparaitre aux extrémités de son corps. Les doigts en règle générale. Mais là ils étaient intacts.


Et en y réfléchissant... Öta avait passé les dernières semaines à exploiter la pierre et les cristaux, pas les plantes. Le contrecoup était toujours lié à la magie exploitée. Öta aurait dû avoir les doigts qui durcissent, devenant semblables à de la pierre.


Surtout qu'Élan avait fait attention, les exercices qu'il donnait à Öta n'étaient pas très dangereux. Même à haute dose, ils n'auraient pas pu produire un effet aussi visible.


Que lui arrivait-il ?



Öta n'en démordait pas. Il était persuadé que ce n'était pas dangereux, que c'était bénéfique. Il sentait au fond de lui qu'il n'avait rien à craindre.


Élan regarda le bras d’Öta plusieurs fois, le comparant à ce qu'il connaissait et ce qu'il avait pu lire dans les livres. Mais rien de concret. Puis, Élan se remémora une légende de l'Est, un mythe que ses parents aimaient lui raconter. Une légende qui évoquait certains mages liés aux esprits de la forêt.



«  Lorsque j’étais enfant, ma mère me racontait souvent l’histoire d’un homme qui tomba amoureux d’un esprit.


De cet amour pur et sincère était né un enfant qui défiait toutes les lois de la nature.

Mi-homme, mi-esprit. Un mage.


On dit que ce fut le premier etris capable de manipuler la nature sous toutes ses formes.


Il eut plus tard quatre enfants, qui héritèrent chacun d’une partie de ses pouvoirs.


Le Feu, l’Eau, le Vent et la Terre.


Avec les siècles, cette étrange famille se mélangea progressivement aux etris sans magie.

Le pouvoir s’estompa et se dilua dans le sang pour devenir la magie telle qu’on la connaît aujourd’hui.


Mais selon ma mère, quelques familles ont gardé un lien étroit avec les esprits de la nature, privilégiant leurs racines spirituelles.


Ces mages héritent de dons particuliers, maîtrisant leur élément d’une manière bien différente des autres.


Ils ne sont pas plus puissants que les autres.

Simplement différents.


Cette légende, mes parents y croyaient dur comme fer.

Ils me répétaient sans cesse qu’ils avaient autrefois rencontré l’une de ces personnes.


Un homme dont la peau était couverte de végétaux. »



Öta et Élan discutèrent longtemps. Une légende n'était pas une base assez solide pour trouver l'origine du mal dont était atteint Öta. Mais quoi qu'il arrive, si ça venait de son sang, il n'y avait qu'une personne capable de les éclairer.


Ëten.


Öta n'avait pas particulièrement envie de revoir son père aussi tôt. Il ne voulait pas repenser à la mort de sa mère ni à tout ce qui était arrivé auparavant. Mais il n'avait pas le choix.


C'est donc accompagné d’Élan, qu'il prit la route pour ce qui autrefois était son foyer.



Posts récents

Voir tout

Σχόλια


  • Instagram
  • Facebook
  • Twitter
  • YouTube
  • TikTok
bottom of page